L’agriculture aveyronnaise, une histoire d’hommes et de femmes
L’Aveyron, terre agricole
L’agriculture pèse de tout son poids dans la dynamique économique du département, comme en témoignent plusieurs chiffres.
Au pays de l’usine Bosch, du métallurgiste SAM, de la Mécanic Vallée et ses nombreux sous-traitants pour Airbus, c’est bien l’agriculture qui structure l’économie de l’Aveyron. Avec près de dix mille exploitations, c’est le véritable baromètre économique du cinquième département de France en termes de superficie. « Si l’on part du principe qu’un agriculteur génère quatre emplois directs, j’estime à quarante ou quarante-cinq mille, le nombre d’emplois induits par l’agriculture dans un département qui compte près de 110 000 actifs. Les chiffres sont têtus. Et ce poids de l’économie agricole en Aveyron reste encore trop méconnu à mon sens ».
À chacune de ses sorties, le président de la Chambre d’agriculture ne manque pas de le rappeler. Selon de récentes données, le secteur agricole et agroalimentaire représente environ trois milliards de chiffre d’affaires en Aveyron, 13 milliards en Occitanie. « Soit près de 23 % de ce que ce secteur pèse dans la Région », calcule encore Jacques Molières. Ces seules données-là classent donc l’Aveyron comme département agricole. Sans aucun doute. Avec cette nuance-là, qui est sans conteste une de ses forces : on y trouve de tout. Bovin, ovin, les trois laits, viande, vin, maraîchage, etc. Et de qualité. Quinze productions sont notamment placées sous signes officiels de qualité, du roquefort, produit emblématique du département, au bœuf fermier aubrac, en passant par l’agneau alaiton, le laguiole, le Bleu des causses, le vin de marcillac, etc. De quoi bien situer le département sur le grand échiquier de la production agricole.
« Une agriculture raisonnée, j’y inclus le bio, diversifiée, c’est très important, et qui n’oppose pas les systèmes de production, sans dogmatisme, c’est la force de ce département. C’est aussi entre 70 % et 80 % de notre production » plaide Jacques Molières. « On s’est défragilisé du marché italien, on voit émerger le secteur de la volaille, la chèvre progresse bien. Toutes ces données sont positives ». Selon lui, l’avenir de l’agriculture, se joue sur ce terrain de la démarcation de qualité. « Si on banalise les productions, on en perd toute la valeur ajoutée. Et autant dire que c’est perdu ! » Le succès croissant des productions dans les filières de qualité, tant sur le plan quantitatif qu’économique, plaide en sa faveur. « L’Aveyron est étiqueté, département dans lequel on ne fait pas n’importe quoi. C’est notre force. Il faut continuer à avancer dans ce sens. Tout en maintenant l’équilibre territorial et l’engagement des hommes et des femmes.
À titre d’exemple, ce que font les Halles de l’Aveyron, va dans le bon sens ». Tout comme il surligne la présence de la RAGT, premier semencier européen, dont le siège est resté basé à Rodez. Mais ce n’est pas sans écueil. Si le département se veut attractif, l’accès au foncier demeure une problématique fondamentale. « C’est un défi qui s’oppose à nous pour le renouvellement des générations » admet-il. À une période où le Département se creuse la tête pour débloquer le compteur de l’attractivité, un enjeu crucial, et où le retour à la terre va bien au-delà du stade de la tendance, l’Aveyron a sans nul doute une carte à jouer avec le secteur agricole.
D’autant qu’elle a su jouer des coudes au moment d’obtenir des aides compensatoires, comme l’ICHN. Rendant la profession un peu plus attractive encore. Depuis les années 60, le département a toujours fait montre d’une certaine volonté à défendre son agriculture. À la voir évoluer. De Raymond Lacombe aux défenseurs du Larzac, les Aveyronnais ont ce tempérament d’Iliens qui peut parfois agacer. Mais c’est à ce prix-là, en estimant que l’Aveyron n’était pas un territoire comme les autres, que ses hommes et ses femmes ont fait de l’agriculture en Aveyron un moteur économique indispensable. Pour autant, de nombreux défis s’ouvrent à elle. Pour les relever, elle ne peut se passer d’une remise en question permanente.
Des destins nationaux
Petit tour d’horizon des « figures » aveyronnaises, fortes personnalités qui ont porté au niveau national des valeurs qui ont donné du sens à un monde agricole en perpétuelle ébullition.
Unicor, un grand groupe coopératif
L’entreprise, née de la fusion de quatre coopératives aveyronnaises en 1991, rayonne de différentes manières sur l’activité agricole d’une large partie du grand sud ouest.
L’agriculture aveyronnaise est indissociable de l’Union de coopératives intégrées par regroupement (Unicor). La société, fondée en 1991 à la suite du regroupement des quatre coopératives d’approvisionnement de l’Aveyron et de leurs groupements de producteurs, est un acteur incontournable en ce domaine. Dans son département d’origine, mais également dans d’autres territoires du grand Sud-Ouest : Lozère, Cantal, Est du Tarn-et-Garonne et Nord-Tarn. Comment expliquer une telle réussite en, à peine, trois décennies ? Une des clés du succès réside sûrement dans la diversification des activités proposées par l’entreprise présidée par l’éleveur de brebis du Sud-Aveyron, Jean-Claude Virenque.
Au service des exploitants
La principale source de revenus provenant, à l’heure actuelle, de l’approvisionnement des exploitations. En la matière, Unicor se charge de proposer à ses adhérents, entre 5 et 7 000, tout ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de leur affaire, du conseil et suivi technique, à la semence en passant par l’alimentation pour les animaux, les engrais ou les produits destinés à l’entretien des sols. Des solutions qu’elle distribue en son nom ou par le biais d’une société dont elle gère les intérêts, Solevial. Approvisionner au mieux les agriculteurs n’est pas le seul domaine de prédilection du groupe coopératif. Il équipe, si nécessaire, ces derniers, par le biais de quatre filiales : Cadoma pour ce qui concerne la partie tracteurs et machines agricoles, Socoma qui touche au domaine télescopique, Manhaval Fabre, le pendant pour l’équipement et les robots de traite, et Uniservice. Si gérer le quotidien des exploitants reste l’atout majeur d’Unicor, il n’est qu’une partie des activités offertes par le groupement.
En 28 années d’existence, celui-ci s’est attelé à prendre en main l’organisation de productions agricoles. En l’espèce, trois. La plus significative étant la filière ovine, où la société gère plus de 550 000 têtes, ce qui en fait la première organisation de ce type dans l’Hexagone. La partie ovine comprend de son côté près de 67 000, tandis que le marché des palmipèdes, une niche comparée aux deux premières, se monte à 780 000, bien loin toutefois des mastodontes du territoire gascon. La gestion de ces filières s’effectue sur le terrain par un accompagnement minutieux, les adhérents bénéficiant pour gérer leurs bêtes d’un service vétérinaire.
La société aveyronnaise valorise dans un temps supplémentaire des agneaux laitiers issus de la production de roquefort. Le travail du groupe coopératif passe aussi par la mise en valeur des productions issues des différentes exploitations. Il est donc peu étonnant de découvrir que l’entreprise a développé petit à petit une batterie d’outils spécifiques pour identifier les filières les plus rémunératrices. Des systèmes utilisés, notamment, en matière de référencement pour les abattoirs Arcadie ou œuvrer en bonne intelligence avec des entreprises spécialisées dans la vente de produits alimentaires comme Géant Casino ou Picard. D’autres outils, comme la Cave des vignerons du vallon, basée à Valady, ou Aveyron foie gras, servent à échelle locale à des usages quasi similaires.
Le grand public dans la stratégie
Tourné vers un univers à dominance professionnelle, Unicor n’en oublie pas pour autant le grand public. La société développe année après année des concepts destinés à favoriser cette relation avec le grand public. La partie jardinerie et libre-service agricole se matérialise dans les faits par la gestion de 45 magasins sous la dénomination Point Vert ou magasin Vert. La stratégie voulue par le groupe, de se positionner sur un double marché, s’est accompagnée en 2008 de l’ouverture d’un premier établissement sous la marque Les Halles de l’Aveyron, à Onet-le-Château. La volonté de trouver un débouché supplémentaire pour faciliter la vente des produits des adhérents et créer une démarche en circuit court a abouti les années suivantes à l’ouverture de deux nouvelles enseignes en Île-de-France et une douzaine de services spécifiques dans autant de magasins Point Vert.
Une agriculture placée sous le signe des labels
Pas moins de quinze productions départementales sont placées sous signes officiels de qualité. Une véritable valeur ajoutée pour l’agriculture aveyronnaise.

Installation d’agriculteurs : “Nous savons être attractifs"
Anthony Quintard est le président des Jeunes Agriculteurs de l’Aveyron. le dossier du renouvellement des générations est le socle de leur engagement. Rencontre.
Le Renouvellement des Génération, c’est « Le » sujet important de l’avenir ?
C’est l’occupation phare de jeunes agriculteurs. Il faut faire évoluer l’accueil des nouveaux agriculteurs. Car les problématiques d’hier ne sont pas celles de demain. Il faut tout mettre en phase. Et on le fait au quotidien. En Aveyron, nous avons enregistré 151 nouvelles installations, contre 116 en 2017. Nous savons donc être attractifs.
Qu’est-ce que cela signifie être attractif ?
Déjà, c’est maintenir une bonne dotation aux jeunes agriculteurs et faire en sorte qu’elle soit bien utilisée. Puis c’est l’accompagnement des jeunes pour que la formation proposée soit la plus proche de ses attentes. En amont, il y a également tout le volet concernant la promotion de notre métier et, in fine, donner l’envie de s’installer. En étant par exemple au forum des filières qui recrutent, en travaillant sur le développement des salariés agricoles, parce qu’il y a aussi un fort besoin de main-d’œuvre.
L’agriculture en Aveyron, plutôt bien « étiquetée » en matière de qualité de production, est donc attractive ?
On est le département agricole de France avec près de dix mille exploitants, et une agriculture portée par l’élevage et ses filières. L’installation est portée, elle, par nos systèmes sociétaires, comme le Gaec. C’est le premier levier d’attractivité, car un agriculteur a le droit de partir en vacances, d’avoir du temps pour lui, de ne pas craindre de tomber malade, etc. L’élevage est générateur de valeur ajoutée, une valeur ajoutée qui reste sur notre territoire. Regardez Roquefort sur le Larzac ou le bœuf fermier aubrac sur le plateau. Ce sont des zones pauvres agronomiquement parlant, mais riches grâce au développement de l’élevage. Toutefois, il demeure une problématique, celle de l’accès au foncier. Et elle est complexe. Dans un sens, cela signifie qu’il y a une dynamique intéressante. Reste que l’on laisse croire que l’accès au foncier est déterminant. Mais il y a aujourd’hui une panoplie de moyens qui permettent d’y accéder. On travaille avec la Safer sur la possibilité d’accompagner et soutenir l’apport financier, un peu comme pour un crédit-bail. Qui permet à un jeune agriculteur de, petit à petit, devenir propriétaire. Il est vrai que le foncier peut raboter la capacité de développement de l’exploitation. Il n’en demeure pas moins que le sol doit rester un support de travail, pas une valeur marchande.
Mais est-ce que vous progressez sur ce sujet primordial ?
Oui on progresse. Mais il reste plusieurs problématiques qui ne dépendent pas directement de nous, comme celle de la sécurisation des retraites. Peut-on reprocher à un éleveur de continuer à vivoter sur son exploitation parce qu’il n’a qu’une petite retraite…
Mais, quand même, l’agriculture, dans ce département en quête d’attractivité peut donc être présentée comme un atout ?
Ces derniers temps, on a l’habitude de dire que l’agriculture est au centre de tous les maux, mais j’ai plutôt envie de dire qu’elle est plutôt au centre de toutes les solutions ! L’agriculture a une forte capacité d’attractivité mais le raisonnement doit rester territorial. Il y a des efforts à mutualiser. Pour les hors cadre, lorsqu’ils viennent frapper à la porte de la chambre d’agriculture, ils ont déjà mené toute la réflexion sur leur projet. Or, ce sont des projets individuels, et non collectifs. On travaille dès lors à pouvoir les capter en amont de leur réflexion. C’est notre travail ! De même, dans l’esprit de beaucoup de gens, la valeur ajoutée en Aveyron c’est le circuit court. Or, nous produisons vingt fois plus que ce que l’on consomme dans le département…
Le département présente une agriculture très diversifiée. Est-ce difficile à maintenir ?
Quand les exploitations s’agrandissent, elles se spécialisent. Pour garder la diversité, il faut garder le nombre d’agriculteurs…
Le monde change, l’approche des consommateurs change, est-ce difficile de s’affranchir du passé quand on est jeune agriculteur ?
Effectivement, chez nous, beaucoup de formes d’associations réunissent les parents et les enfants sur l’exploitation. Il est parfois difficile pour le jeune d’imposer sa vision. Et c’est justement tout l’intérêt de l’accompagnement. On lui donne en quelque sorte les moyens… En Aveyron, 97 % des installés sont toujours agriculteurs cinq ans après. La moyenne nationale est à 85 %. Quant au volet environnemental il est très présent. Je le dis souvent, que ferons-nous si nous dégradons notre outil de travail ? On a des ressources et nous y faisons attention. La problématique des zones vulnérables, qui ont disparu dans le département, prouve que l’on travaille bien. L’agriculture aveyronnaise #est dans le bon tempo ? 116 installations en 2017, 151 en 2018, oui on est dans le bon tempo ! Bien évidemment, comptabiliser deux installations pour trois départs, ce n’est pas idéal. Nous avons sur place ce qu’il faut pour maintenir notre cadence. Et notamment une forte capacité de résilience. Plus développée que dans d’autres départements. Les agriculteurs ont compris qu’ils devaient s’orienter vers l’autonomie. Puis, notre département sait défendre son modèle.
Justement, l’Aveyron, de tout temps, a pesé dans l’évolution de l’agriculture. Est-ce toujours vrai ?
Oui, et il y a plusieurs raisons à cela. D’abord ce n’est pas un département facile. Plus la terre est dure à travailler, plus on s’y attache. Le territoire est rude et ses habitants lui ressemblent. Puis, on a toujours su se remettre en question. Les Aveyronnais ont progressé, crée et cette envie est toujours bien présente. À cela, il faut ajouter une dynamique d’entraide et une notion de territoire que tous les départements n’ont pas. Vous êtes confiants en l’avenir ? Oui ! Nous possédons des atouts considérables. Il ne faut juste pas se reposer sur nos lauriers. Et cela, on sait faire aussi.
Ils font notre agriculture
Galerie de portraits de ces hommes et femmes qui, au quotidien, font notre agriculture.
BENOIT SERRES ÉLÈVE LA FINE FLEUR
Le béret à l’effigie de l’Aubrac, un accent à couper au couteau (de Laguiole bien sûr !), Benoît Serres est heureux sur sa terre natale de Prades-d’Aubrac. En 2014, il a eu l’opportunité de s’installer hors cadre familial dans son village, car à cet instant, la ferme parentale ne le permettait pas. Son bonheur est ici-bas, servi par le plateau de l’Aubrac, simple et omniprésent. « Tout me plaît dans mon métier. C’est une passion inscrite dans mes gènes depuis des générations. J’aime être avec les animaux, faire téter les veaux dès le matin, donner le foin. Toutes les caractéristiques du métier et les conditions de vie ici me plaisent ». Une déclaration d’amour pour son pays qu’il transmet dans son travail, auprès de ses cinquante vaches aubracs maternées pour choyer les veaux. Benoit est engagé dans la filière de qualité Bœuf Fermier Aubrac Label Rouge dans le but de mieux revaloriser les meilleures vaches de son troupeau et ramener une plus-value intéressante sur sa ferme. Le cahier des charges du Label Rouge Bœuf Fermier Aubrac met en avant des pratiques d’élevages traditionnelles avec un élevage à l’herbe et la pratique de la transhumance. Les aliments sont référencés afin de répondre au cahier des charges Bœuf Fermier Aubrac et garantir la bonne qualité du produit.
Inscrit à l’Herd-Book
Cela n’empêche pas Benoît de nourrir de projets et d’ambition tout en étant lucide sur la situation. «Les vaches mangent sur la montagne et l’herbe donne le goût à la viande », dit Benoît en montrant son horizon à portée de doigts, avec d’un côté la vue en panoramique du village de Prades et de l’autre la montagne. Lui, à 25 ans, est au pied de la montagne. Dans tous les sens du terme. Il vient de s’inscrire à l’Herd-Book de la race aubrac. « C’est cher, c’est un gros investissement mais c’est une passion ». Toujours. Tel est ce leitmotiv ou cette chance qui fait qu’un nouveau jour est un cadeau. « Je suis en vacances tous les matins avec mes vaches ».
Primé au festival des Bœufs gras de Laguiole
Une passion, à force de travail, qui mène à la réussite comme l’illustre son prix obtenu l’an dernier lors du festival des Bœufs gras à Laguiole où il a décroché le Graal en catégorie Fleur d’Aubrac avec « Épine ». Une reconnaissance qui pousse à poursuivre sur cette voie. Une voie, encore une fois, qu’il veut simple et mesurée en restant sur une exploitation à taille humaine. Avec pour dessein, d’œuvrer avec son frère Clément âgé de 21 ans. « Il est aussi passionné que moi », confie-t-il. La promesse d’une réussite fraternelle.
Transmission de passion
En attendant, il continue de profiter de la beauté de Dame nature et de bichonner ses belles. « Elles sont heureuses ici, on les caresse toutes ». Et d’ajouter : « Tous les gens que je rencontre, je les rends passionné ». À l’instar de son frère mais aussi de sa compagne. Sa belle histoire n’est qu’à ses balbutiements. « La ferme c’est un bébé », dit-il. Mais en y prenant soin ainsi, celle-ci n’a pas fini de donner naissance à de jolis veaux et de faire fleurir (et grossir) belles aubracs !
Pour ce faire, il envisage à terme avec son frère d’ériger un nouveau bâtiment « pour gagner en confort de travail et par gain de temps ». Comme de profiter d’un week-end sur deux pour profiter de sa dulcinée. En revanche, il compte bien garder le geste ancestral, l’humain, au cœur de son métier. « J’ai reçu un stagiaire de Mayenne qui ne jure que par la mécanisation. Chacun voit son métier comme il veut, suivant ses goûts mais moi, j’ai besoin d’être avec mes vaches ». En somme, être dans le vivant. Et pour demain, il ne demande pas plus qu’à pouvoir vivre comme aujourd’hui. Comme dit la chanson : « Il suffit de peu pour être heureux ». Conscient toutefois d’être mal rétribué, dans un système qui ne rénumère pas correctement le producteur. « Depuis des années c’est toujours la même chose, il faudrait valoriser le produit à son juste prix ».
Au Salon « c’est Prades qui monte à Paris ! »
Benoît profite du beau tableau de l’Aubrac peuplé de ses vaches qui portent toutes leur petit nom. « Ce ne sont pas des numéros ! » Parmi ses préférées, l’une de ses favorites se prénomme « Étoile ». C’est tout le bien qu’on lui souhaite, de garder longtemps, la tête dans les étoiles sous le ciel de l’Aubrac et l’amour qui le guide et l’accompagne dans sa campagne de Prades-d’Aubrac. Quant au Salon de l’agriculture, Benoît n’y est pas cette année mais il y a déjà foulé les pieds. « C’est un moment fabuleux. C’est Prades qui est monté à Paris ! » C’est la famille retrouvée, celle des êtres humains comme celle des bovidés. Et le bonheur préservé.
LOÏC MARUÉJOULS, LABÉLLISÉ VEAU D'AVEYRON ET DU SÉGALA
Partir pour mieux revenir. L’année dernière, à 30 ans, Loïc Maruéjouls est revenu là où#il a grandi, au Cussou, commune de Rieupeyroux. Mais, cette fois-ci, c’est forcément pour de bon puisqu’il a décidé de poursuivre l’aventure familiale. Après des études agricoles et un BTS Analyse et conduite de systèmes d’exploitation, à Monteils, en poche, il s’est lancé dans une autre facette de l’agriculture comme conseiller commercial chez Unicor. Cinq ans à Baraqueville et une année à Rieupeyroux plus tard, il est revenu s’installer au Cussou, créant au passage un Groupement agricole d’exploitation en commun avec ses parents Christian et Martine. Si ses grands-parents ont été les premiers à s’occuper des bêtes, c’est son père qui a poussé les murs de l’exploitation en 1981 avant d’opter pour le label rouge du veau d’Aveyron et du Ségala, quatre ans plus tard.
« À ses débuts, il vendait les veaux lors des différentes foires du coin, explique celui qui œuvre également au comité des fêtes de Rieupeyroux. Il est ensuite devenu adhérent de la SA4R avec qui nous travaillons toujours. » Loïc Maruéjouls compte environ 70 têtes allaitantes (croisement blonde d’Aquitaine) et une dizaine de génisses. Il entend prochainement augmenter son cheptel jusqu’à 80 vaches allaitantes. Mais pas plus.
Qualité de vie…
« Le fait d’être label rouge du veau d’Aveyron et du Ségala implique certaines obligations, lâche-t-il. Que ce soit par rapport à l’espace, à l’alimentation…, il est primordial de coller au cahier des charges. » C’est ce qui rassure, d’un autre côté, les adhérents de la SA4R, comme Loïc Maruéjouls.
« Effectivement, la vente doit être réalisée pour un veau âgé environ de 8-9 mois avec un certain poids, sachant que le prix est calculé sur la carcasse, mais nous savons que les tarifs sont fixes pour toute l’année et objectifs grâce justement au classement carcasse. » Ce qui, comme le rappelle l’Irva, « les débouchés sécurisés, couplés à des prix minimum garantis, assurent à l’éleveur une visibilité économique de son système et sécurisent son revenu. Les entrées d’argent sont régulières, ce qui facilite la gestion de la trésorerie ».
S’il ne veut pas agrandir son bâtiment, voire en construire un tout neuf, c’est qu’il donne également de son temps pour une autre activité de la ferme. Sa mère s’occupe d’un atelier de canards gras. Et, dans l’objectif d’une qualité de vie meilleure (par exemple pour les vacances), elle partage les bandes des palmipèdes avec son fils. « Le fait d’être en Gaec et, surtout, l’envie de pouvoir profiter à côté de bien des choses, nous ont poussé à nous organiser afin que chacun y trouve son compte », souligne Loïc Maruéjouls. Il lui faut d’ailleurs trouver encore un peu de temps, et se retrousser les manches comme il le fait au quotidien. Avec son épouse Éléonore, infirmière, et ses deux enfants (Louisa, 4 ans, et Marceau, 2 ans), il a décidé de restaurer l’ancienne maison de ses grands-parents, posée au cœur de l’exploitation. Une preuve supplémentaire de son désir de rester au Cussou.
PHILIPPE TABARDEL, UN MÉTIER PASSION
Si on ne se lève pas le matin avec la banane, si on tire la jambe pour aller bosser, ce n’est pas la peine de faire ce métier. Il faut de la passion, c’est indispensable. » Philippe Tabardel aime ce qu’il fait : élever des agneaux. Des agneaux laitons pour être plus précis, à savoir qui tètent le lait de leurs mères pendant au moins 90 jours et jusqu’à 140 jours maximum. À Druelle, où il a repris la ferme familiale en 1987, Philippe Tabardel travaille en Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) avec Didier Espinasse et Gilles Grès, et ce, depuis 1995. Le « Gaec du Vieux chêne », c’est environ 600 brebis : 300 pour la production de viande d’agneau Label Rouge (pour une production qui tourne autour de 600 agneaux par an) et 300 pour la production de lait qui alimente la filière Roquefort. Le tout est réparti sur trois sites et un total de 90 hectares environ. Sur un marché national redevenu à peu près stable et en hausse constante depuis 2008, Philippe Tabardel s’en sort plutôt bien. Il ne pleure pas sur son sort et va même jusqu’à regretter les discours négatifs de certains agriculteurs.
« Comment éveiller des vocations quand on entend des gens du métier dire et répéter que c’est dur et qu’on ne gagne pas bien sa vie ? Moi, je ne me plains pas. Avec Gilles et Didier, et à travers notre adhésion au Label rouge, nous avons misé sur la qualité et la sécurité. Et ça marche plutôt bien. En plus, en fonctionnant à trois, on vit mieux. On peut prendre des vacances, des week-ends, sans craindre pour le quotidien de la ferme. On sait que ce qui doit être fait le sera. Ça permet de décompresser et c’est appréciable. » Ce qui chagrine en fait le plus Philippe aujourd’hui, c’est l’agribashing. « Le regard que l’on porte sur nos professions me gêne beaucoup, explique-t-il. Des reportages TV, sur la maltraitance animale en particulier, nous ont fait très mal. Les gens en sont venus à croire que ce qu’on leur a montré est la norme. Mais c’est faux. Montrer ce qui ne va pas, on n’est pas contre bien sûr. Mais alors, pourquoi ne pas montrer aussi ce qui va ? Ici, on ne maltraite pas nos bêtes. Au contraire, on en prend soin. Nous, on est dans la bientraitance. Nos brebis passent la journée en plein champ et elles rentrent le soir à la bergerie pour allaiter les agneaux. Alors oui, à un moment donné et parce qu’il n’y a pas d’autre manière pour les manger, on doit les tuer. Mais tout est fait dans les règles. Et ma conviction reste que l’on doit nourrir les gens du mieux possible, en leur proposant un niveau de qualité quasi irréprochable. »
Au cœur même du village de Druelle, ou dans les salons thématiques parisiens auxquels il participent (une dizaine par an), Philippe Tabardel s’attache à faire connaître son métier. Il fait de la « communication positive », comme il dit, et reconnaît que ce n’est pas trop difficile, sachant que la plupart de ceux qui viennent vers lui sont déjà plus ou moins convaincus de la qualité du travail réalisé. Ce qui ne l’empêche pas de réfléchir à une meilleure communication, à travers par exemple une page Facebook qu’il vient d’ouvrir pour toucher plus de monde et participer à changer l’image de l’élevage. Reste l’avenir. Dans un secteur directement tributaire des aléas internationaux, tels que le Brexit ou l’embargo russe sur les produits agricoles, Philippe Tabardel et Gilles Grès se montrent assez circonspects. « Les jeunes ne se bousculent pas pour se positionner d’ores et déjà dans la reprise d’exploitations. On ne sait pas trop où on va sur ce terrain-là. Des jeunes prêts à se lancer en agriculture, il y en a, mais surtout dans le maraîchage, un peu moins dans l’élevage. C’est vrai que l’on peut craindre pour la reprise de certaines fermes, dont quelques-unes qui ont plus de 500 bêtes et qui ne semblent pour le moment intéresser personne. Cela étant, on constate aussi l’arrivée de quelques néoruraux. La solution viendra peut-être bien de là, qui sait. » Une solution qui, comme pour Philippe Tabardel, devra rimer avec passion.
BENOIT ROZIÈRE, LA CRÈME DU... LAGUIOLE !
Âgé de 33 ans, Benoît Rozière a délaissé la plaine de Bertholène pour le plateau de l’Aubrac d’où il a pu exaucer son vœu : devenir agriculteur. « J’ai effectué mes études au lycée La Roque à Onet-le-Château où je me suis intéressé à la nature, l’environnement, l’agronomie. Je n’étais pas parti pour m’installer, mais j’ai eu la chance de rencontrer Isabelle et François Meynier qui cherchaient un associé car leurs enfants ne souhaitant pas reprendre la ferme, et j’ai pu commencer », résume-t-il, tout heureux d’œuvrer sur une exploitation de renom. Car le voilà à poursuivre la belle histoire de la ferme de La Borie Haute à Saint-Amans-des-Côts débutée au… XVIIe siècle.
La curiosité qui anime Benoît Rozière est la même qui habite son associée et maîtresse des lieux, Isabelle Meynier. « Le métier d’agriculteur permet de toucher à tout, à l’agronomie, à l’économie, la machinerie, l’agroalimentaire, le commercial… On a une action sur l’environnement ». Benoît Rozière se plaît à échanger, expliquer son métier au gré des visites de fermes proposées en été. « Les gens sont bienveillants et posent beaucoup de questions, mais ils ne se rendent pas compte de la technique. La visite pédagogique permet d’expliquer avec l’œil de l’éleveur et de casser les idées reçues. On a quitté les sabots ! »
Et Isabelle Meynier, qui fut auparavant enseignante, d’ajouter : « On gagne à se rencontrer ». Un métier passion qui permet à Benoît de passer de la traite des simmental et quelques aubracs à l’administratif à la fabrication du fameux laguiole AOP issu de la coopérative Jeune Montagne à Laguiole. Depuis 1987, la ferme est adhérente à la célèbre coopérative du Nord-Aveyron et depuis 2000 pour fabriquer le laguiole AOP dont 60 % du lait est destiné à sa fabrication et 40 % pour d’autres fromages vendus en direct pour élargir son panel et valoriser sa matière première. « Le but est que chaque laguiole est sa spécificité. C’est cela qui est intéressant, ne pas avoir un goût uniforme, on reste dans une production fermière », confie Benoît en nourrissant de foin, à la fourche, ses bovins. Le contact avec la terre, la taille humaine de l’exploitation et les différentes étapes de fabrication du fromage sont les moteurs de sa passion.
Avec au cœur de sa profession : la liberté. La liberté de créer comme d’entreprendre. Et cerise sur le… fromage : la bonne santé de l’exploitation qui fait travailler trois temps partiels avec Christian pour le travail des champs et la mécanique, Anthony et Rémi pour la fabrication du fromage. Avec à la clef un week-end sur deux en repos. Nouvelle fromagerie en projet Le cadre historique et emblématique permet d’abriter une cave d’où sortaient par le passé quelques fromages du grand-père de François dont la fourme. Aujourd’hui, Benoît avec sa compagne Caroline Carette qui vient de quitter son travail administratif pour le grand air, a pour projet de construire une nouvelle fromagerie pour répondre à la demande, preuve du succès du laguiole AOP. Ce jeune couple dont les parents n’étaient pas agriculteurs, montre que le métier de paysans a un bel avenir.
CHEZ LES BERNAT, LE ROQUEFORT SE FABRIQUE
MAIN DANS LA MAIN
Trois éleveurs sur une même exploitation. Aujourd’hui, cette situation n’a plus rien d’exceptionnelle. À Montlaur, au sein du Gæc Bernat, on cultive d’ailleurs cet état d’esprit. Celui de la coopération et de l’entraide. Depuis qu’ils ont repris l’exploitation familiale, ces valeurs sont au cœur des préoccupations de Sébastien, Laurent et Gilles Bernat, éleveurs de brebis lacaune sur ces terres ocre du Rougier que leurs grands-parents exploitaient déjà. Leur ferme est posée au milieu du causse, au lieu-dit Galamans, et s’étend sur 190 hectares. Et 450 brebis laitières, et 250 brebis à viande, composent le troupeau de ces agriculteurs qui sont au cœur de l’AOP Roquefort. En ce moment, les agriculteurs sont en pleine période de traite. Un moment particulier dans la production de lait de Roquefort. Membre de la coopérative La Pastourelle, le Gæc Bernat livre en moyenne 170 000 litres de lait par an.
La garantie d’un prix rémunérateur
Cette coopérative est constituée de 50 exploitations qui font vivre autant de familles. Parmi elles, sept producteurs-coopérateurs accueillent toute l’année des visiteurs sur leur ferme. Pour les trois exploitants, livrer la matière première pour la fabrication du Roquefort est exigeant : « La qualité du lait est extrêmement importante, les critères sont très sévères. Mais c’est tout à fait justifié. Car avec des fromages au lait entier et cru les normes sont beaucoup plus importantes », souligne Sébastien Bernat. Des normes qui font parfois ressembler les exploitations agricoles à de véritables petits entreprises où la paperasse envahit les bureaux. Mais ces nombreux critères qui encadrent la production de lait pour fabriquer le célèbre fromage à pâte persillée sont la garantie d’un produit de qualité. En effet, le lait cru et entier doit provenir de brebis de race Lacaune, élevées traditionnellement avec une alimentation à base d’herbe, de fourrages et de céréales provenant au moins à 75 % de l’aire géographique de production. Si ce cadre peut apparaître contraignant sous certains aspects il est pourtant la garantie d’un prix rémunérateur pour les producteurs adhérents à la coopérative.
D’ailleurs, les récentes crises qui ont durement frappé le secteur - souvent autour du prix du lait payé aux producteurs - ont épargné l’exploitation #des Bernat. Grâce à une répartition harmonieuse de la collecte de lait entre les différents agriculteurs membres de la coopérative, le prix payé aux producteurs reste régulier, évitant de trop fortes fluctuations.
« L’exigence de la qualité est plus forte et on peut le comprendre »
« L’inconvénient est que la période de traite peut s’étaler sur plus longtemps, explique Sébastien Bernat. Il faut se conformer à la demande du marché, éviter les pics de production. Il faut anticiper le plus en amont possible. Notre objectif est ainsi de garder un maximum d’autonomie. » Car pour ces producteurs de Roquefort, l’important est bien « de vivre correctement de son métier », assurent-ils de concert.
« Aujourd’hui, bien des choses ont changé, poursuivent-ils. Les agriculteurs, s’ils sont conscients du travail à faire, n’ont plus envie de passer tout leur temps à la ferme. Travailler avec d’autres agriculteurs permet de dégager du temps pour soi et sa famille. Nous devons être toujours actifs dans notre façon de voir les choses. Les solutions, nous les trouverons collectivement. »
D’ailleurs, Sébastien, Laurent et Gilles n’hésitent pas à prêter main-forte aux alentours si le besoin s’en fait sentir. « Il n’y a pas de concurrence entre nous, assurent-ils. Cela a toujours fonctionné comme ça : si quelqu’un a besoin d’aide on va lui donner un coup de main. On fonctionne aussi beaucoup avec la Cuma (coopérative d’utilisation de matériel agricole) locale pour les engins agricoles. »
Passion
Du côté des consommateurs, la perspective a également changé. « L’exigence de la qualité est beaucoup plus forte et on peut le comprendre, analyse Laurent Bernat. Et puis, la qualité d’un produit tel que le Roquefort est bien évidemment liée à celle de ses producteurs. Il faut aussi que ça suive de ce côté-là et l’on doit être irréprochable. » À l’image d’autres exploitations, les Bernat ont ouvert leur ferme aux visiteurs, proposent des fromages vendus à la ferme. Ils expliquent leur travail, consciencieusement et avec passion. Toujours avec cette envie de produire une matière première de qualité pour maintenir.
BRIGITTE BARRE TIENT BON LE GOUVERNAIL
DE SA VIGNE A SAINT-CYPRIEN-SUR-DOURDOU
La vigne, c’est sa vie. C’est son métier. Et sa vie, son métier, elle les aime. À bientôt 53 ans, Brigitte Barre est l’une des très rares femmes viticultrices dans le vallon de Marcillac. Si ce n’est la seule. Ses terres, à Saint-Cyprien, s’étendent sur un peu plus de 15 hectares, autour de la maison familiale, perchée sur les hauteurs du lieu-dit Verdus. Les vignes dans lesquelles elle travaille au quotidien, Brigitte Barre en a hérité en 1991. Le domaine appartenait jusqu’alors au père de son mari, Florent. C’est son mari, justement, qui lui a enseigné les bases d’un métier pour lequel elle s’est très vite prise de passion, se montrant toujours très attentive à ce qu’ont pu lui dire et lui conseiller les gens du métier au fil des années. Et c’est elle qui, depuis 1996, tient les rênes du domaine : plus de 9 hectares de cépages, rouges en grande majorité, avec une petite touche de blanc sur un hectare environ. Son mari a conservé de son côté son emploi de plombier. Mais il n’a pas pour autant abandonné son épouse. Avec un statut de « conjoint collaborateur », il donne tous les week-ends un coup de main à la vigne. Chez les Barre, on bosse ainsi sept jours sur sept, ou presque.
Travail de couple
Dans le couple, Florent prend en charge les aspects mécaniques des travaux à réaliser sur l’exploitation. Brigitte, elle, s’occupe de tout
ce qui touche aux interventions manuelles. Et quand on jette un œil sur ses vignes, sur des talus particulièrement abrupts, on se dit qu’il faut effectivement beaucoup aimer ce métier pour l’exercer dans des conditions plutôt périlleuses. « Je suis bien dans ce que je fais, confie Brigitte sans l’ombre d’une hésitation, le regard vif et le sourire chaleureux. Oui, c’est dur. Mais c’est un choix et, encore une fois je le répète, j’aime vraiment ce que je fais. De toute façon, je ne me voyais pas passer ma vie dans un bureau… » Sa vie, elle la passe donc à arpenter, à soigner, à traiter sa vigne, pour fournir un raisin qui la nourrit, elle et sa famille, sans grande difficulté. « On ne s’en sort pas trop mal, glisse Brigitte. On ne roule pas sur l’or, mais ça va. Entre le métier de mon mari et la vigne, ça va. Même si je ne fais pas le raisin pour l’argent, j’arrive à me faire un petit capital pour mes vieux jours. »
Son nom sur une étiquette
Et si « ça va », c’est aussi grâce à la cave coopérative des Vignerons du Vallon, à Valady. À leurs débuts dans la viticulture, Brigitte et Florent Barre transformaient eux-mêmes leur raisin en vin. Mais en 1996, pour gagner en qualité et pour s’épargner un surplus de travail difficile à gérer, le couple a choisi d’adhérer à la cave de Valady. Une cave coopérative qui achète la récolte de ses adhérents contre le versement d’un salaire mensuel fixe. Elle se charge aussi de la vinification et de la commercialisation des vins, qu’ils soient rouges, blancs ou rosés. Ainsi, Brigitte Barre bénéficie des compétences en œnologie des techniciens de la cave et son raisin est au final mis en valeur dans une production classée en appellation d’origine contrôlée (AOC).
Mais son nom ne s’affiche encore sur aucune étiquette. « Mon but, mon rêve je dirais presque, ce serait justement d’avoir un jour mon nom de domaine sur une étiquette. On n’y est pas, loin de là. Mais sait-on jamais. » Si elle y parvient, « sait-on jamais », Brigitte Barre ne le devra qu’à elle-même. Et à son mari, évidemment. Car, comme elle le révèle, le milieu viticole est plutôt macho. « Quand j’ai commencé, quand les vignes ont été mises à mon nom, ça a été difficile. Certains se sont attachés à retarder mon installation, en compliquant par exemple les démarches administratives. Il a fallu que je m’accroche. »
Et la suite ?
S’imaginant encore dans ses vignes pendant une petite dizaine d’années, Brigitte dit déjà penser à la suite. Ses enfants lui ont déjà fait savoir qu’ils ne seraient pas candidats à la succession. Des jeunes ? Elle n’y croit pas trop : « Je l’ai déjà dit, mais le travail est dur. Je ne suis pas sûre que beaucoup soient prêts à faire ce que je fais. » Pour la reprise de ces terres riches mais exigeantes, les premières démarches de prospection n’ont rien donné. Brigitte Barre espère tout de même finir par trouver l’oiseau rare, un repreneur unique, capable de tenir le gouvernail de la vigne du Verdus avec la même passion qu’elle.
THIERRY CADARS, UNE AGRICULTURE
DANS LE RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT
Dans son exploitation de Manhac, au lieu-dit Les Garriguettes, Thierry Cadars a d’autres priorités que celle consistant à multiplier les bâtiments pour accueillir ses troupeaux. L’étable construite par son grand-père à côté de la maison est encore utilisée par les vaches durant quelques semaines. Et une stabulation plus récente, en contrebas, fait également office de seconde « maison » pour les bêtes. Les priorités sont ailleurs pour l’agriculteur âgé de 55 ans. Bien loin de celles de son père, René, qui avait repris l’exploitation en 1966. « Nous avons connu une période où on demandait au monde agricole de produire à outrance, et on ne peut pas lui jeter la pierre pour ça, souligne-t-il. Depuis quelques années, nous sommes revenus à une agriculture beaucoup plus raisonnée. » En phase avec ses propres convictions qui touchent au respect environnemental. Thierry Cadars possède ainsi 45 vaches laitières - de race prim’holstein qu’il souhaite, dans un avenir proche, croiser avec du montbéliard, « plus rustique » -, dont la production est achetée par Sodiaal, à Montauban.
Des vaches dehors toute l’année
Il compte également une douzaine de vaches allaitantes (des aubrac en cours de renouvellement) dont les veaux sont vendus au marché au cadran de Baraqueville. Et, pour lui, les ruminants ne sont bien qu’au sein de leur milieu naturel, dehors, dans les pâturages. C’est pour cela qu’il s’est efforcé au fil des années à acquérir des terres autour de son exploitation, la portant à 65 hectares, alors que, par exemple, son grand-père n’en possédait que trois. « Bien sûr, comme cette année, mes vaches passent quelques jours, voire quelques semaines, dans l’étable. Mais, cela arrive souvent qu’elles n’y viennent pas du tout. L’hiver dernier, elles sont ainsi restées dans un bois, à l’abri, avec du foin et de l’eau. Je trouve que c’est très bien pour elles, mais également pour les prairies. Lorsqu’elles sortent tôt, elles améliorent la qualité de la flore puisque la première herbe n’est pas la plus gustative. »
Ne pas épuiser les sols
C’est dans ce sens-là que Thierry Cadars se démarque quelque peu. Tout en gardant, bien entendu, les pieds sur terre. « Sur le plan de l’alimentation, six hectares sont voués
au maïs. Le fourrage
vient en totalité de l’exploitation, à l’exception du tourteau. Je ne mets pas de fongicide sur les céréales. En fait, le traitement est uniquement réalisé en dernier recours. Cela me permet d’améliorer la qualité de la prairie et de ne pas épuiser les sols. »
Quitte à produire moins d’ailleurs, comme c’est le cas avec 7 500 litres par an et par vache (contre environ 8 500-9 000 litres). Une manière de travailler, pour lui, « de façon traditionnelle », en respectant ainsi « le milieu naturel ». Ce qui n’est pas pour déplaire à Valentin, son fils âgé de 28 ans, conseiller en pastoralisme à Saumur, dans le Maine-et-Loire. « Nous échangeons de cela très souvent et je m’appuie sur ces idées, notamment techniques sur le plan de l’alimentation. À l’avenir, il est possible qu’il soit tenté de poursuivre l’exploitation. Il sera tout à fait dans son élément. »
ANTHONY MARRE « CONNECTÉ » POUR LE BIEN-ETRE
DE L’ÉLEVEUR ET DE L'ANIMAL
C’est une ferme comme il en existe encore beaucoup en Aveyron. Un vaste bâtiment à la toiture photovoltaïque abrite quelque 135 vaches de race laitière prim’holstein. Seulement, ici, au lieu-dit Maloyre, à La Bastide-l’évêque, commune nouvelle Le Bas Ségala, l’intelligence artificielle a pris le pas sur les habitudes ancestrales sur le nourrissage et la traite du troupeau. Un processus souhaité par les trois dirigeants du Gaec des Sources vives afin « d’améliorer la qualité de vie grâce au bien-être de l’éleveur#et de l’animal ». Tout cela n’a pas été réalisé en un claquement de doigts, mais après cinq ans#de réflexion. Anthony Marre a mûri le projet petit à petit, bien avant de s’installer d’ailleurs. Après des études au lycée François-Marty, à Monteils, et à l’école d’agriculture de Purpan, à Toulouse, il revient à Monteils, mais cette fois-ci comme… professeur, durant quatre ans. Le temps finalement de préparer son avenir sur le terrain. Avec deux troupeaux - le lait donc vendu à Sodiaal, à Montauban, et le label rouge veau d’Aveyron et du Ségala avec la race limousine pour Unicor - ainsi qu’avec 185 hectares de surface agricole utile, le Gaec des Sources vives a pris le… taureau par#les cornes en matière#de fonctionnement.
« Mon père, Michel (57 ans aujourd’hui), est installé ici depuis 1985 lorsque ma mère, Marie-Chantal, a repris l’exploitation de mon grand-père, travaillée par mes oncles après son décès, explique Anthony Marre. Nous nous sommes associés à David Marre, un cousin (44 ans), dont la ferme est située juste à côté. Le Gaec des Sources vives a pris corps le 1er janvier 2015. En termes de moyens, nous étions partis dans l’objectif d’arrêter la traite manuelle. » Et ils se sont donc tournés tout naturellement vers la traite-robot, « car cela ne prend pas de place mais, également, cela enlève la pénibilité ; une répétition de gestes qui causent des problèmes physiques aux éleveurs ».
Données à l’instant « T »
Mais, au-delà de la traite effectuée par une machine, Anthony Marre va plus loin, en connectant les 135 vaches à un ordinateur qui les « suit » 24h/24 et à qui rien n’échappe puisque les données sont transmises à l’instant « T ». « Les vaches passent dix mois dans le bâtiment, met en exergue le trentenaire (31 ans exactement). Cela pourrait s’apparenter à de la production intensive, mais j’estime qu’elles sont mieux dedans car la température est régulée, l’hygiène est plus facilement gérée… La traite au robot est à volonté, ce qui représente en moyenne 6-7 vaches à l’heure, 24h/24. Une fois qu’elles ont été détectées grâce à une boucle électronique placée à l’oreille, nous avons leur “carnet” de santé à l’écran. D’une part, nous nous occupons des vaches qui en ont vraiment besoin, soit 10 % du troupeau ; d’autre part, lors de la traite, 2 ml de lait sont prélevés et analysés en temps réel. Nous avons toutes les infos nécessaires : infection, en chaleur, pleine…, protéines, cétose. D’une manière générale, le suivi est très précis, ce qui nous permet par exemple d’optimiser l’alimentation et d’éviter ainsi le gaspillage mais également les erreurs commises auparavant lorsque cela se faisait “à vue de nez” ou par expérience. »
Un investissement
de 1,3 M€
Un choix de conviction qui, forcément, a eu un coût conséquent. « Au total, l’investissement est de 1,3 M€ et nous avons obtenu 400 000 € d’aides. Ce sont des sommes importantes, mais nous croyons à cette révolution qui est l’intelligence artificielle. Au bout du bout, quand même, nous sommes obligés de livrer du lait de qualité. Primo, car Sodiaal utilise notre produit pour du lait infantile ; enfin, dans le cas contraire, vu les différentes normes mises en place et certaines contraintes, notre lait serait jeté, sans parler des fortes amendes. »
SYLVIE ET LAURENT REMES SONT TOMBES DANS LE BIO QUAND ILS ÉTAIENT TOUT JEUNES...
Aux origines ? Un service militaire. Trente-six mois passés en Afrique, au Burkina Faso, en coopération. C’est là que Laurent Rémes a vu. Il a vu comment les multinationales écoulaient massivement leurs produits toxiques, entre pesticides, engrais et autres. Il a vu les dégâts que cela pouvait occasionner. Il a vu et il a été convaincu. « La seule manière que j’avais de combattre ça, c’était de faire du bio », glisse-t-il aujourd’hui. Alors, quand il rentre d’Afrique en 1994, Laurent Rémes reprend d’abord la ferme familiale, à Livinhac-le-Haut, abandonne très vite l’élevage des vaches à lait, et se lance dans la culture des légumes et des fruits biologiques. À l’époque, le bio était encore un concept balbutiant, « même si les premiers questionnements remontent à l’entre-deux-guerres », souligne-t-il.
Comme dirait l’autre, il fallait en avoir pour s’aventurer sur ce terrain encore très meuble. Considérant en ce temps-là, et encore aujourd’hui, que le métier nécessite un travail partagé, il recherche sans tarder un associé pour l’aider dans sa tâche. Dans cette quête, Sylvie arrive dans la vallée du Lot en 1998. Quelques mois plus tard, elle devient rien de moins que l’épouse-associée de Laurent. Sylvie a donc quitté sa Belgique natale et les métiers de la presse pour rejoindre l’Aveyron et la culture bio et, accessoirement, fonder une famille. Le couple partage à la base la même vision de l’agriculture. La même vision de la vie, plus largement.
“Le bio, c’est beaucoup plus qu’un choix économique, affirme Sylvie. C’est d’abord un choix de conscience. » Ainsi réunis, Sylvie et Laurent Rémes vont faire de leur « choix de conscience » un chemin de vie. Ce sont des agriculteurs bio, des vrais, des authentiques, pas de ceux qui sont venus à ce modèle au fil du temps et des opportunités. Et ce modèle agricole, ils le défendent mordicus. « Qu’on ne nous dise pas qu’on ne peut pas y arriver, que le bio ce n’est pas possible, que ce n’est pas une bonne méthode de travail, s’énerve presque Laurent. Nous sommes bien la preuve que l’on peut y arriver. » Les Rémes y sont arrivés jusqu’à employer un salarié. Jusqu’à voir arriver Aymeric Blanpain, en 2005. Installé en tant que jeune agriculteur, ce dernier a porté et développé un projet de culture de petits fruits et d’extension du maraîchage. La prochaine étape de ce développement raisonné et maîtrisé interviendra en 2011, avec la création d’un GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun), baptisé « Biotenga » : « Bio », pour bio, et « Tenga » pour « terre » en langue moré, langue du Burkina Faso.
Aujourd’hui, les acteurs du GAEC « Biotenga » cultivent près de deux hectares de maraîchage, dont 8 000 m2 sous tunnels, avec une très vaste gamme de légumes et de petits fruits qui sont proposés en circuit court aux consommateurs, notamment sur les marchés de Rodez les mercredis et samedis, au Panier paysan de Nuces, ou directement à la ferme les jeudis soir. Des consommateurs de plus en plus nombreux, constatent avec satisfaction Sylvie et Laurent, qui croient dans le concept agricole qu’ils pratiquent au regard de l’intérêt que semblent lui porter les jeunes générations. « Si les lignes doivent vraiment bouger, elles bougeront grâce aux consommateurs, et sûrement pas grâce aux politiques. Pour les consommateurs, c’est une question de choix. Le bio est plus cher ? Oui, mais c’est normal quand on sait le travail à fournir et les critères exigés. Mais ça reste quand même abordable. Après, chacun doit se demander s’il est préférable de s’acheter un portable à 800 € ou des aliments bio. Ce sont des choix de fonctionnement, des choix de priorités. »
Ou des « choix de conscience », selon la formule de Sylvie, tandis que Laurent, que l’on sent très engagé sur le sujet, élargit son discours au monde agricole. « Dans mon idéal, tous les agriculteurs devraient fonctionner en bio. On peut rêver. C’est vrai, il faudrait tout reconstruire, tout repenser. Mais c’est possible et les choses évoluent. Actuellement, en Aveyron, la quasi-totalité des jeunes maraîchers qui s’installent le font en bio. Pour ceux qui sont installés, ce qui empêche de franchir le pas, c’est souvent la peur. La peur de l’inconnu. » Cet inconnu que la nature connaît pourtant parfaitement bien, elle qui a choisi de ne pas donner de fraises en hiver…
LES CIRCUITS COURTS, UN VÉRITABLE CHOIX DE VIE
POUR SANDRA ET XAVIER BRO
Perchée sur les hauteurs de Saint-Izaire, la ferme de Sandra et Xavier Bro embrasse toute la vallée. La ferme des Armayrols, au cœur du parc naturel des Grands Causses dans le Sud-Aveyron, abrite un troupeau de 180 brebis de race Lacaune, croisée Suffolk qui pâturent sur l’exploitation. Des volailles, des Cou nus, connues pour leurs rusticité, sont élevées dans des cabanes qui jouxtent l’exploitation. Depuis maintenant trois ans, Sandra et Xavier Bro font l’expérience du circuit court, jusqu’ici avec réussite. Sandra Bro était productrice de lait de Roquefort jusqu’en 2016. « Le prix payé était bon jusqu’alors, raconte-t-elle. Seulement, on m’a demandé d’augmenter ma production pour pouvoir maintenir le prix payé. En gros, c’était travailler plus pour gagner la même chose. »
« Un retour sur ce que je fais »
L’idée de se reconvertir, d’être à son propre compte fait son chemin depuis déjà un moment. « Je vendais déjà des agneaux auprès de mes amis. J’avais de très bons retours Mais se lancer entièrement dans la vente directe c’est autre chose », se souvient Sandra Bro. Le projet est mûrement réfléchi. Toutes les possibilités sont étudiées. Après plusieurs mois passés à travailler sur le projet, le couple se lance : « Tout n’est pas encore parfait, certaines choses peuvent encore améliorer, glisse Xavier Bro. Mais, dès le début, nous avons reçu le soutient de beaucoup de monde à commencer par d’autres qui font de la vente directe ou des techniciens de la chambre d’agriculture. Il n’y a pas de concurrence entre nous. » Au fil des semaines, le couple trouve sa clientèle. « Le plus intéressant, c’est le contact avec les consommateurs, soulignent-ils. Avant, dans nos métiers respectifs, cela n’était pas possible. » « Moi par exemple, explique Sandra, j’ai toujours travaillé seule. Aujourd’hui, j’ai un retour sur ce que je fais, ce que je produis. C’est beaucoup plus valorisant pour moi et mon travail.» Aujourd’hui, Sandra et Xavier abattent leurs volailles au sein même de leur ferme des Armayrols. Ils ont aménagé, après plusieurs mois de travaux, une salle flambant neuve au sein d’une ancienne dépendance de la maison où ils peuvent abattre #et conditionner les poulets.
Marchés locaux
« Aujourd’hui, nous abattons entre 50 et 60 volailles par semaine. Dans quelques mois, nous avons pour objectif le nombre de 80 à 100, mais pas davantage. » Car si Xavier et Sandra Bro ont choisi cette voie, c’est aussi pour « trouver une qualité de vie. Même si c’est beaucoup de travail, nous ne comptons pas nos heures, on trouve du sens à notre travail quotidien». «Un aspect est également important, celui de la maîtrise des coûts, rajoute Xavier Bro. Avec ce fonctionnement en circuit court, c’est à nous de fixer le prix des produits que nous vendons. C’est parfois un casse-tête de faire cela au plus juste, de trouver un équilibre entre un prix juste pour le consommateur qui soit à la fois rémunérateur pour nous. ». Une fois les poulets conditionnés, Sandra Bro part vendre ses produits sur les marchés du département et de la région. « Nous avons, ces derniers mois, trouvé plusieurs points de vente, que ce soit dans des magasins près de chez nous, ou à Albi par exemple», détaille-t-elle alors qu’elle s’apprête à reprendre la route, chargée de ses produits.
POUR L’AMOUR DE LA RACE AUBRAC,
GAËTAN A CHOISI DE S’INSTALLER EN AVEYRON
Et voilà que l’Aveyron s’impose comme une terre promise pour tous ceux qui veulent vivre pleinement leur passion. Gaëtan Marmorat, 23 ans, en porte le témoignage à travers un parcours plutôt atypique. Le jeune homme vient de Saône-et-Loire reprendre une exploitation à Laissac. Il avait pourtant trouvé à Torcy, dans ses terres familiales, tous les outils pour conduire ce métier d’éleveur qui l’habite « depuis tout petit » : la ferme de son père se conjugue en charolais jusqu’au jour où viennent s’immiscer dans le troupeau quelques aubracs aux yeux de biche. #« Je les trouvais jolies… À mon installation je me suis renseigné sur la race, sur ses atouts, sa rusticité, la facilité de vélage… Tout cela a motivé mon choix », assure simplement Gaëtan. Séduit par les nouvelles venues, le jeune éleveur va porter son enthousiasme jusqu’au bout, en voulant tenter l’aventure dans le berceau de la race. Direction l’Aveyron. « Mon père m’a accompagné, puis a continué tout seul avant que mon frère prenne le relais. J’avais consulté sur le site de la chambre de l’agriculture de l’Aveyron les annonces de ceux qui veulent transmettre leur exploitation ». Et il trouve en haute vallée de l’Aveyron, un Laissagais qui souhaite changer d’orientation professionnelle. Ce sera donc la ferme de Molènes, près de Palmas, qui va lui tendre les bras.
« Retour au bercail »
« Cela s’est fait rapidement. Je suis venu ici à l’automne 2016, l’affaire était conclue dans la foulée, je me suis installé en mars 2017 ». Gaëtan et ses aubracs déménagent. Adieu la Saône-et-Loire, ses vaches reviennent en quelque sorte « à la maison ». Il loue les terres au précédent exploitant. 98 hectares de pâtures. « La formule a été de suite intéressante, elle me permettait de ne pas avoir un investissement trop lourd au départ ». Deux ans plus tard, Gaëtan pilote un cheptel de 55 mères, et « vend directement aux marchands locaux ». Il a sans trop de mal trouvé les débouchés nécessaires, à portée de voix du marché hebdomadaire aux bovins. « J’écoule mes bêtes, je renouvelle mon troupeau, tout va bien ».
Bien intégré
Fallait-il encore trouver ses marques dans un village comme Laissac quand on y fait figure d’expatrié… « La première fois que je suis venu ici, je n’ai pas croisé grand monde dans les rues, j’ai eu un peu peur… », glisse-t-il en riant. Mais savoir s’adapter est une seconde nature chez ce jeune homme : « Je me suis bien intégré, j’ai des copains, mon objectif est atteint », avoue-t-il aujourd’hui.
Qualité primée
Et il a pris sans forcer les habitudes qui rythment la vie de l’élevage aveyronnais : une estive louée « au Puech de la Treille pour 25 bêtes » et des participations aux concours de la race. Avec deux premiers prix à la clé, l’un à un concours cantonal en 2017 l’autre au national de Laissac en septembre dernier avec un taureau en copropriété. N’a-t-il désormais envie de pousser les murs, de donner plus d’ampleur encore à son aventure ? « S’agrandir, ce n’est pas l’avenir pour moi. Aujourd’hui, il y a deux façons de faire : la ferme des mille vaches ou de petites exploitations qui font de la qualité. C’est ce que j’ai choisi. Mais comme je vends tout en maigre, je n’ai pas besoin de labelliser ma production. De toute façon, je nourris mes bêtes exclusivement à l’herbe, avec des méthodes traditionnelles, je ne suis donc pas bien loin du label ».
« Je ne regrette rien »
Qu’est-ce qu’il manque à Gaëtan ? « Rien, je me sens bien ici », lâche-t-il comme une évidence. De son parcours, il reconnaît quand même l’originalité. « Surtout que des Aveyronnais vont acheter en Saône-et-Loire pour s’agrandir ! L’inverse n’est pas forcément vrai. Ici comme là-bas, les gens sont avant tout attaché à leur terre ». Gaëtan a choisi la sienne. « Et je ne regrette rien ».
SARAH BEDEL, AU NOM DE LA FAMILLE
Chez les Bedel, l’agriculture est une histoire de famille. Tout d’abord, il y a Laurent, le papa. Il a repris l’exploitation de… son père. Puis, désormais, il y a Sarah, la fille à Laurent et installée en Gaec sur l’exploitation depuis deux ans… #Et d’ici quelques mois, il y aura également le frère cadet de Sarah ! Une belle entreprise familiale en somme. « Même quand ça gueule, ça ne dure pas car les liens familiaux reprennent toujours le dessus », rigole Sarah, 24 ans. Depuis son plus jeune âge, elle n’a jamais hésité à se lancer dans l’exploitation d’une centaine d’hectares et forte de 120 vaches laitières. Chaque année, les Bedel produisent plus de 900 000 litres de lait. Et n’ont jamais perdu la foi en leur profession malgré les nombreuses crises traversées par la filière. « J’ai toujours tout fait pour installer mes enfants dans les meilleures conditions même #si les difficultés liées à l’élevage laitier perdurent encore », explique Laurent alors que sa fille, elle, pense d’ores et déjà à l’avenir : « Aujourd’hui, il faut toujours se remettre en questions et chercher des solutions pour répondre aux attentes des consommateurs. »
Projet de vente en circuit court
Dans cette optique, Sarah, titulaire d’un bac agricole et d’un BTS en gestion d’exploitation à La Roque, s’est lancée dans un projet qui lui tient à cœur. Et qui devrait voir le jour d’ici peu : celui de réaliser elle-même ses yaourts et les vendre en circuit court. « Je suis content que mes enfants prennent la suite car ils ont ce genre d’idées que je n’aurais pas fait à mon âge. Et je trouve cela très positif », indique Laurent. Et à 24 ans, sa fille ne veut pas s’arrêter en si bon chemin : « Pour avancer, il faut avoir plusieurs projets. Et à mon âge, je suis obligée d’en avoir pour perdurer » La jeune fille est d’ailleurs investie dans le milieu syndical, elle siège au conseil d’administration des JA (Jeunes Agriculteurs), pour échanger et faire évoluer son métier.
Un métier qui la « passionne. Et qui n’a plus rien à voir avec celui que faisait mon grand-père #à l’époque. Si c’était le cas, je n’aurais pas pu le faire je pense… Aujourd’hui, on n’est plus tout le temps ‘‘au cul’’ des vaches. On passe beaucoup de temps au bureau pour la gestion ». Une multitude de facettes du métier qui n’ont pas fini de passionner Sarah… Sans parler du petit frère qui arrive derrière !
Chez les Bedel, l’agriculture, c’est une histoire de famille comme on vous disait… Et avant tout une histoire de passion.
Et l’agriculture dans 50 ans ?
Un long format de la rédaction de :
Textes : Philippe Routhe, Cristophe Cathala, Olivier Courtil, Paulo Dos Santos, François Cayla, Mathieu Roualdés, Philippe Henry, Emmanuel Pons, Jérémy Mouffok.
Reportages photo et vidéo : José Antonio Torres.
Infographie : Franck Peltier.
Réalisation : Mathieu Roualdés.