Toulouse à la conquête de l’espace


Un long format de la rédaction de :

Textes : Gil Bousquet, Maxime Noix, Olivier Auradou, Emmanuelle Rey, Gérald Camier, Philippe Rioux, Rémi Buhagiar (La Dépêche du Midi)

Photos : DDM
Réalisation : La Dépêche Interactive

Toulouse, capitale du spatial

Dans l’ombre de l’aéronautique dominée par Airbus et sa filière de fournisseurs, le spatial trace son sillon silencieusement mais sûrement. Toulouse est de loin la capitale de ce secteur puisqu’elle concentre la moitié des effectifs français et le quart des effectifs européens. Le spatial c’est 12 000 salariés sur l’ex Midi-Pyrénées dont la très grande majorité concentrée à Toulouse. Tout a commencé en 1963 par une décision du général de Gaulle d’installer à Toulouse une partie du Centre national d’études spatiales (Cnes). Dans le cadre du programme de décentralisation les moyens consacrés aux satellites, fusées-sondes et ballons sont rassemblés au Centre Spatial de Toulouse (CST) qui ouvre en 1968. Aujourd’hui, le site du Cnes de Toulouse est un des principaux centres techniques européens dans le domaine de la recherche spatiale avec plus de 1 800 personnes.

Dans le sillage de cet important acteur public du spatial, les grands industriels suivent. Deux leaders mondiaux sont ainsi installés à Toulouse : Airbus Defense & Space et Thales Alenia Space. Sur la fusée Ariane à proprement parler, Toulouse a perdu au début des années 2000 la fabrication des cases à équipements au profit de l’Allemagne (Brème) à la (dé)faveur d’une restructuration d’Astrium devenu Airbus Defense & Space. Ce changement de cap a mis fin à une longue histoire des lanceurs que le site de Toulouse (ex-Matra Marconi Space), a accompagnée pendant au moins quatre décennies. Toutefois, Toulouse fournit encore le carburant nécessaire aux boosters d’Ariane, ces super réservoirs de poudre qui fournissent près de 90 % de la poussée au décollage, durant les 140 premières secondes. Ils sont remplis à 68 % de perchlorate d’ammonium mis au point sur le site d’Airbus Safran Launchers près de la Garonne. L’empreinte toulousaine d’Ariane est aussi présente grâce à Telespazio France, une société commune entre Thales (33 %) et l’Italien Leonardo (66 %) avec 130 salariés dans la ville rose. «La gestion des infrastructures en soutien au Cnes au cœur du Centre spatial guyanais de Kourou assure 80 % de l’activité de Toulouse» chiffre Jean-Claude Dardelet, vice-président de Toulouse Métropole et directeur des affaires institutionnelles chez Thales Alenia Space.

Une puissance de frappe dans les satellites

Telespazio est d’ailleurs le partenaire de la ville de Toulouse pour la présidence de la communauté des villes Ariane qui associe toujours une ville et un industriel. Mais c’est dans l’industrie des satellites que Toulouse s’est rendue incontournable grâce à deux acteurs majeurs. Thales Alenia Space tout d’abord. Spécialiste notamment des constellations de satellites de télécommunications (Iridium Next…) et des satellites d’observation le site toulousain emploie 2 500 salariés en direct ainsi que 500 sous-traitants in situ et prestataires portant l’effectif global à 3 000 collaborateurs. En 2016, la société a multiplié les prises de commandes ce qui déclenchera encore une centaine d’embauches cette année.

L’autre poids lourd local c’est Airbus Defense & Space installé depuis 1978 au Sud de Toulouse sur 32 hectares. Il emploie 3 800 personnes ; un chiffre qui grimpe à 5 150 personnes en comptant les sous-traitants in situ et prestataires. Ils seront 5 800 dès l’an prochain pour faire face à la croissance ! «A Toulouse, nous concentrons quatre expertises : tous les satellites telecom d’Airbus Defense & Space sortent d’ici ; les satellites d’observation optique ; les segments sols (NDLR : qui permettent d’opérer les satellites depuis le sol) et la vente de services» égrène Iñaky Garcia-Brotons, le patron du site toulousain. Airbus possède un carnet de commandes impressionnant de 40 satellites à produire et profite de son avance mondiale sur la construction de satellite à propulsion 100 % électrique développés à Toulouse. Ce savoir-faire profitera à One Web, une constellation de 900 satellites qui arroseront la surface de la Terre d’internet. Les dix premiers exemplaires seront assemblés à Toulouse dans une nouvelle usine qui sera inaugurée en juin prochain.

Gil Bousquet

De l’eau dans l’espace

«Connaître l’origine de l’eau sur Terre» grâce au robot Mascot

Mascot, le robot conçu en partie par les équipes du Cnes, s’est posé le 3 octobre 2018 sur l’astéroïde Ryugu. Cette mission qui se terminera en 2020 pourrait apporter des réponses sur l’origine de l’eau de la Terre. Interview de l’astrophysicien Francis Rocard.

Largué par Hayabusa 2, Mascot, le robot conçu en partie par le Cnes, a effectué une chute de 51 mètres dans l’espace, à 325 millions de kilomètres de la Terre. Il a passé quelques heures sur l’astéroïde Ryugu le 3 octobre, avant de terminer sa mission. Équipé d’une caméra, d’un magnétomètre, d’un radiomètre infrarouge, cet engin de 10 kg a parfaitement préparé le terrain pour que la sonde japonaise Hayabusa 2 puisse effectuer trois prélèvements. Décryptage de l’astrophysicien Francis Rocard.

Qu’est-ce que cette mission Hayabusa 2 ?
C’est une mission qui a commencé en 2014. Le but est de ramener un maximum d’échantillons de l’astéroïde Ryugu, de type C, c’est-à-dire en carbone. Cet astéroïde de 900 mètres de long est primitif, il n’a pas évolué depuis la formation du système solaire. Il est très ancien, riche en carbone et en eau. Cela soulève la question de l’origine de l’eau sur terre.

Comment se déroule la mission ?
On a eu un petit problème de Upside Down, c’est-à-dire que Mascot n’est pas tombé à l’endroit. Nous avons envoyé une télécommande hier matin pour lui dire : «Tu es à l’envers donc repars en l’air et refais un rebond». Mascot s’est bien repositionné à l’endroit. Il a engrangé des données.

À quel défi technologique avez-vous été confronté ?
On envoie un robot en forme de boîte à chaussures sur un astéroïde, il va rebondir. La difficulté consiste à éviter qu’ils rebondissent dans l’espace, ce serait une catastrophe. Il faut qu’il se pose très lentement. On a besoin qu’il se positionne avec la phase supérieure en haut, la phase inférieure vers le sol.

Le prélèvement d’échantillons ne sera pas effectué par Mascot ?
Mascot a un rôle de démonstrateur. L’agence spatiale nippone Jaxa voulait savoir comment il allait se comporter lors de l’atterrissage, avant que la sonde de Hayabusa 2, qui pèse près de 600 kg, vienne elle-même se poser sur l’astéroïde. Est-ce que ce sol est dur ou mou ? Toutes ces informations sont très utiles pour Hayabusa 2, chargé des prélèvements.

Quand ces prélèvements seront-ils réalisés ?
A priori, trois prélèvements sont prévus. Un avant la fin de l’année, et les deux autres avant le printemps 2019.

Est-ce que l’on peut faire une découverte ?
Bien sûr, nous pouvons toujours faire des découvertes surprenantes. Analyser le carbone et l’eau, soulève la question de l’origine de l’eau de la Terre. C’est d’actualité. On sait qu’un astéroïde de la taille de Mars a frappé la Terre, il a créé un cataclysme monstrueux. Elle a perdu quasiment toute son eau d’origine. Plus tard, la Terre a récupéré de l’eau, on cherche à savoir d’où elle provient. De bombardements des astéroïdes ou des Comètes ? Cette mission pourrait permettre de répondre à cette question. Chaque mesure apportera son lot d’informations importantes. Attendons les résultats. Aujourd’hui nous n’avons aucun résultat scientifique, ils sont juste techniques. Ils nous indiquent que la mission se déroule bien.

Ensuite, où iront ces échantillons ?
En décembre 2020, les échantillons vont arriver dans le désert australien. Les Japonnais vont récupérer la capsule et l’amener au Japon, près de Tokyo. Ils seront pré-analysés pendant 18 mois, avant de céder des échantillons aux laboratoires du monde entier.

Recueilli par Rémi Buhagiar

Découvertes sur Mars

La NASA annonce avoir découvert des molécules organiques sur Mars

Lors de la conférence de presse de la Nasa consacrée à la planète Mars et aux découvertes de son robot Curiosity, le suspens a été levé. Ce ne sont malheureusement pas des traces de vie que le robot a trouvé sur la planète rouge mais des molécules organiques vieilles de plusieurs milliards d’années.

A 100 millions de kilomètres de notre planète terre, le robot Curiosity de la Nasa, qui ausculte et photographie Mars depuis Août 2012, à découvert des molécules organiques en procédant à des forages à la surface de Mars, à 5 cm de profondeur seulement. Ces molécules constituent des briques élémentaires de nombreuses formes de vies.

La plupart du temps composés de carbone et d’hydrogène, ces molécules ne sont pas « vivantes ». Cependant, on peut les retrouver sur Terre, emprisonnées dans le charbon ou encore dans certains hydrocarbures, voire au sein de météorites par exemple. Celles découvertes par le robot, sont vieilles de plusieurs milliards d’années.

« Qu’elle soit un héritage de la vie sur Mars, qu’elle ait nourri la vie ou qu’elle ait existé sans vie, cette matière organique donne des indices des conditions de la planète et de ses processus », s’est réjoui la chercheuse de la Nasa Jen Eigenbrode dans leur communiqué de presse.

Des taux de méthane variant selon les saisons

De plus, la Nasa a confirmé la présence de méthane dans l’atmosphère martienne, un gaz qui constitue en quelque sorte des briques élémentaires du vivant. Sa teneur change dans l’atmosphère en fonction des saisons. Ces variations de méthane enregistrées pourraient être liées à une forme de vie éventuelle même si des explications chimiques et géologiques peuvent être mises en avant.

Même si il ne s’agit pas de traces de vie, chaque découverte rend la planète rouge plus accessible. «Est-ce que ce sont des signes de la vie sur Mars ? se questionne  le scientifique Michael Meyer dans le communiqué. Nous ne savons pas. Mais ces résultats nous disent que nous sommes sur la bonne piste ».

Le 500 000e tir de la caméra laser ChemCam a été opéré depuis Toulouse

La caméra laser ChemCam, qui équipe le rover Curiosity, a franchi la semaine dernière le cap des 500 000 tirs effectués sur les roches martiennes. Une fierté pour les équipes du centre spatial de Toulouse.

Il y a des chiffres plus symboliques que d’autres. Comme ce 500 000e tir réalisé par la caméra laser ChemCam sur la planète Mars le 20 septembre 2017. Il rappelle la réussite de la mission MSL (Mars Science Laboratory), initialement prévue pour deux ans mais dont les données, même cinq ans après, continuent de ravir les scientifiques. Il confirme, encore, l’importance de ChemCam, imaginée et conçue à Toulouse. Véritable éclaireur de la mission, l’instrument est le plus utilisé de tous ceux qui composent le rover.

Au centre spatial de Toulouse, Vivian Lafaille a opéré ce 500 000e tir. Dans la salle du FIMOC (centre d’opération des instruments français de Curiosity), quelques heures avant la reprise des opérations pour le prochain sol (une journée sur la planète Mars dure 24h et 40 minutes, elle est appelée «sol»), il nous en livre les petits détails.

Une météorite pour cible

«Curiosity a parcouru 17 km depuis son atterrissage, il grimpe le Mont Sharp pour aller explorer des couches d’argile. La roche cible a été choisie sur le site de Mustards Island. Elle avait attiré l’attention des scientifiques du groupe Geomin -les Toulousains de l’IRAP, l’institut de recherche en astrophysique et planétologie-. On pense que c’est une météorite, c’est la seconde fois qu’on voit une roche de ce type. Mais tous nos tirs ont un intérêt et pour chacun le niveau de précision est identique. Piloter cet instrument, pointer, tirer sur Mars et voir les images le lendemain, c’est fascinant. Être de cette aventure, se dire qu’on a fait 500 000 tirs, c’est la fierté de prolonger les choses formidablement bien faites par les ingénieurs et les industriels », raconte Vivian Lafaille. Responsable d’opérations des missions scientifiques au CNES, il est le plus «ancien» au Fimoc. «Depuis 1983, j’ai eu la chance de participer à des missions passionnantes (CoRot, Rosetta, Chemcam).

L’espace attire des jeunes ingénieurs, nous sommes heureux de pouvoir les intégrer et, depuis quelques années, d’être associés dans nos missions avec la NASA (l’agence spatiale américaine) : c’est enrichissant pour l’échange culturel et pour le retour d’expérience qui nous permet d’avancer plus vite, de nous améliorer techniquement ».

Les équipes scientifiques et techniques toulousaines ont fait leurs preuves avec ChemCam. Elles seront de la prochaine aventure. La caméra laser SuperCam équipera le rover de la mission Mars2020.

Des tirs à 8000°C pour analyser les roches de Mars

La caméra laser ChemCam, campée en haut du mât du rover Curiosity, a été développée avec la participation du CNES, du CNRS et de l’Université Paul Sabatier via leur Institut de recherche en astrophysique et planétologie. Son laser, construit par Thales Optronics est le plus puissant opérant à la surface d’une planète extra-terrestre : en quelques milliardièmes de seconde, il vaporise la matière à plus de 8000°C pour analyser la composition des roches martiennes. Les ingénieurs du FIMOC (French Instruments Mars Operations Centre, structure du CNES basée au centre spatial de Toulouse) assurent la surveillance et la programmation des instruments ainsi que la récupération et le traitement de données scientifiques de ChemCam et de l’autre instrument français le laboratoire Sam. Chaque jour, à l’issue d’une coordination avec 120 scientifiques dans le monde, géologues, biologistes, minéralogistes ou spécialistes de l’atmosphère, les experts français du CNES pointent la planète rouge, en alternance avec leurs homologues américains du Los Alamos National Laboratory.

Emmanuelle Rey

La Cité de l’espace expose la pierre de Mars emportée par Thomas Pesquet dans l’ISS

La Cité de l’espace expose la météorite martienne qu’elle avait confiée à l’astronaute Thomas Pesquet lors de son séjour dans la Station spatiale internationale (ISS). Mais l’histoire ne va pas s’arrêter là pour le petit caillou. Pour bien en percevoir toutes les aspérités, il faut s’approcher, se pencher, poser un œil sur la loupe. Puis tendre l’oreille pour entendre son histoire, racontée par l’astronaute français Thomas Pesquet. Bien au chaud dans sa vitrine, la « pierre de Mars » vient de rejoindre l’exposition Astronautes à la Cité de l’espace. Pour témoigner d’une extraordinaire aventure humaine et scientifique.

Partie il y a quelques milliards d’années de la planète Mars, cette météorite s’est écrasée sur Terre, après un long voyage, dans le désert du Sahara. La Cité de l’espace l’achète en 2015, auprès du collectionneur français Luc Labenne puis la fait authentifier par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, avec l’idée que le périple ne pouvait s’arrêter là. En décembre 2015, elle est remise, dans les locaux de l’Agence spatiale européenne (ESA) à l’astronaute français Thomas Pesquet, en vue de son séjour dans la Station spatiale internationale.

« Nous avons vu dans cette météorite un clin d’œil au rêve de Thomas de partir un jour explorer la planète Mars », souligne le directeur de la Cité de l’espace, Jean-Baptiste Desbois. De retour dans l’espace, à 400 km d’altitude, le petit caillou séjourne dans les affaires personnelles de l’astronaute français, le temps de la mission Proxima (novembre 2016-juin 2017). En octobre 2017, pour les 20 ans de la Cité de l’espace, Thomas Pesquet ramène la « pierre de Mars » à Toulouse.

Un bout de la météorite va repartir sur Mars avec la prochaine mission de la Nasa

Le voyage peut continuer. Le laboratoire toulousain de MicroCaractérisation Raimond Castaing en extrait une tranche : une partie sera remise à l’astronaute en souvenir de sa mission, l’autre repartira sur Mars à bord du rover américain Mars2020 (décollage en juillet 2020, arrivée en février 2021). À l’IRAP (Institut de recherche en astrophysique et planétologie/CNRS Université Toulouse III Paul-Sabatier), l’équipe qui met au point la caméra laser de la prochaine mission martienne, va l’intégrer parmi les 25 roches de calibration de l’instrument SuperCam.

Elle devra d’abord subir 25 heures de cuisson à 150 ° pour être «dépolluée» et ne pas contaminer Mars d’éléments terrestres. «Cette météorite doit être vue comme un lien entre nos missions avec des robots et, celles, attendues, avec des humains. Qui sait si Thomas Pesquet n’ira pas la chercher pour qu’elle revienne encore ? », glisse l’astrophysicien Sylvestre Maurice, responsable scientifique de SuperCam. À la Cité de l’espace, le petit caillou voyageur atteint l’étape ultime de son périple. Cap sur la transmission aux générations futures.

L’exposition Astronautes de la Cité de l’espace se visite jusqu’au 4 novembre 2018. La “Pierre de Mars” rejoindra ensuite les expositions permanentes.   

Emmanuelle Rey

Vers une colonisation de Mars ?

Toulouse en mode Mission Mars

Ce 17 février 2018, débarquent sept étudiants au milieu du désert de l’Utah pour prendre possession d’une réplique d’une base martienne. Ces jeunes scientifiques de l’ISAE SupAero passeront trois semaines enfermés ensemble dans les conditions de la Planète Rouge.

Marcher sur Mars en étant sur Terre. Voilà l’extraordinaire aventure que vont vivre pendant trois semaines sept étudiants toulousains. Ils sont issus d’un des plus prestigieux campus aéronautiques du monde : l’ISAE SupAero. Les futurs ingénieurs sont passés par un processus de sélection sévère pour être sélectionné par la Mars Society qui exploite depuis 2001 cette réplique d’une base martienne au cœur du désert de l’Utah aux États-Unis.

Le but est de simuler la vie à la surface de Mars au sein d’une station dédiée à la recherche et à l’apprentissage.

Les apprentis spationautes auront pour mission de maintenir tous les systèmes de la station «spatiale» et de faire pousser des plantes dans le «GreenHab», sorte de serre martienne mais aussi de gérer leurs propres déchets tout en menant des expérimentations quotidiennes. C’est l’excellence académique spatiale toulousaine qui est à l’honneur une nouvelle fois. Une première équipe d’étudiants de l’ISAE SupAero avait déjà réalisé une mission en 2017. Aujourd’hui ce sont cinq nouveaux étudiants qui débarquent dans le désert accompagné de deux leaders d’équipe déjà du voyage l’an dernier.

Les apprentis spationautes auront pour mission de maintenir tous les systèmes de la station «spatiale» et de faire pousser des plantes dans le «GreenHab», sorte de serre martienne mais aussi de gérer leurs propres déchets tout en menant des expérimentations quotidiennes. C’est l’excellence académique spatiale toulousaine qui est à l’honneur une nouvelle fois. Une première équipe d’étudiants de l’ISAE SupAero avait déjà réalisé une mission en 2017. Aujourd’hui ce sont cinq nouveaux étudiants qui débarquent dans le désert accompagné de deux leaders d’équipe déjà du voyage l’an dernier.

181 équipes y sont déjà allées

Depuis sa mise en service en 2001 par la Mars Society, le camp martien a déjà accueilli 181 équipes du monde entier pour des durées de deux semaines généralement. Le but est de mieux éduquer les chercheurs et apprentis chercheurs ou ingénieurs et plus largement le grand public à la vie sur Mars. L’équipe toulousaine est de plus complémentaire avec un biologiste qui est en charge des plantes, un astronome qui utilisera le télescope de la base, un journaliste qui rendra compte quotidiennement de l’aventure sur le blog de l’équipe et un ingénieur chargé de «gérer tous les problèmes techniques qui pourraient survenir». Chacun avec leur savoir-faire, ils contribueront au succès de la mission.

Mais arriver aux portes du désert est déjà une victoire. Voilà un an que l’équipe d’étudiants se démène pour trouver des sponsors afin de financer la mission, organise la logistique, établit le plan scientifique, gère la communication… La location de la base coûte 14 000 € pour trois semaines mais grâce aux sponsors, la facture a chuté à 8 000 €. Le prix du rêve martien !

Gil Bousquet

Ces Toulousains vont vivre comme sur Mars

Nom de code : MDRS 189 Crew. C’est ce 17 février que sept jeunes Toulousains vont atterrir sur Mars. Enfin… un copié-collé de Mars en plein désert de l’Utah ! Futurs diplômés de l’ISAE SupAero, les sept étudiants vont vivre en vase clos pendant trois semaines à l’intérieur de la station de recherche martienne (Mars Desert Research Station, MDRS) installée dans ce désert américain. Trois semaines en immersion pour simuler un séjour sur la planète rouge afin de faire avancer la recherche et l’envie d’aller poser le pied humain sur la deuxième plus grosse planète tellurique de notre système solaire.

Le Koh Lanta de l’espace

Cet après-midi, à son arrivée sur la base martienne l’équipe toulousaine percevra son (maigre) paquetage avec la nourriture lyophilisée et la ration d’eau juste nécessaires pour le séjour de 21 jours. C’est un peu le Koh Lanta de l’espace. Demain matin, il se réveilleront après avoir passé leur première nuit au sein de la station : un simple cylindre de huit mètres de diamètre sur deux étages. Au total 35 à 40 mètres carrés à se partager à sept. Chacun dispose de sa «petite» chambre équipée de l’oreiller et du sac de couchage que chacun a apporté. L’équipe sera codirigée par Victoria Da Poian et Louis Mangin, deux étudiants qui ont déjà effectué une mission similaire en 2017 et qui encadrent cette fois-ci leurs cinq collègues spationautes : Benoît Floquet, Gabriel Pyn, Jérémy Auclair, Laurent Bizien et Juste Martin. Ils ont tous été sélectionnés par la Mars Society voilà près d’un an sur plusieurs critères : les programmes scientifiques qui seront menés durant le séjour, un bon niveau d’anglais et une bonne entente dans le groupe.

Sorties en scaphandre

La co-leader de l’équipe s’intéressera notamment aux sorties extra-véhiculaires c’est-à-dire en scaphandre en dehors de la station et aux facteurs humains. «Ma mission sera d’évaluer l’efficacité des astronautes dans les exercices en combinaisons comme par exemple pour l’allumage du rover (NDLR : robot) et sa manipulation. Je vais chercher à améliorer leurs gestes afin de rendre les sorties plus efficaces» décrit la jeune étudiante de 22 ans. Pendant ce temps, un de ses collègues sera en charge de la communication avec des ballons solaires. «Tous les projets que nous allons mener doivent être duplicables sur Mars. C’est tout l’intérêt du séjour dans la base» explique la jeune étudiante de 22 ans.

La vie quotidienne sera très rythmée avec un lever matinal à 7h suivi immédiatement d’une demi-heure de sport avant de passer au petit-déjeuner. S’enchaînent ensuite les sorties pour les ingénieurs-apprentis et le travail à l’intérieur pour les autres. Suivront le déjeuner et des parties de cartes avant un après-midi consacré aux expérimentations. «Si on a le temps, on écrit un mail à notre famille ou nos amis mais nous n’avons le droit qu’à un seul message car là encore, il faut reproduire les conditions martiennes où la communication sera forcément réduite» raconte celle qui était la biologiste de l’équipe lors de la mission 2017.

Les jeux et divertissements comme regarder un film le soir sont importants afin de favoriser une bonne ambiance dans l’équipe. «S’il y a des tensions, il est impossible de sortir sans mettre en péril toute la mission. Les deux commandants ont aussi ce rôle du bien vivre ensemble» assure Victoria. Contrainte de la vie dans une base où tout est rationné : il ne faudra compter que sur deux douches pour trois semaines de séjour. «Après le sport, notre meilleure amie ce sont les lingettes !» , plaisante la jeune spationaute.

Gil Bousquet

Objectif : la planète rouge

Plus encore que la Lune, Mars fait rêver. Si l’on sait aujourd’hui qu’on ne découvrira jamais de petits – ou grands – Martiens, toutes les nations spatiales espèrent pouvoir un jour envoyer un de leur astronaute sur la planète rouge. Certains acteurs, tel le milliardaire américain Elon Musk, envisagent carrément de coloniser Mars pour sauver l’espèce humaine de l’extinction des ressources sur Terre.

Dans l’immédiat, c’est la Nasa qui va envoyer la prochaine mission vers la planète la plus proche de la Terre. InSight va décoller en mai prochain et doit se poser sur le sol martien fin novembre 2018. Objectif : écouter battre le cœur de Mars, pour essayer de comprendre pourquoi son noyau a cessé de tourner, et mieux connaître ainsi les planètes rocheuses.

L’un des instruments essentiels à cette mission est un sismomètre SEIS, dont l’assemblage a été effectué au centre spatial de Toulouse, sous la maîtrise d’ouvrage du Cnes. Cet outil sera capable de détecter des déplacements de la taille d’un atome, et sera dix fois plus puissant que les sismomètres terrestres.

Si la Nasa est jusqu’à présent la seule agence spatiale à maîtriser l’atterrissage d’engins sur Mars, l’Europe va s’y essayer, en principe dans deux ans.

ExoMArs, le rover européen

Son rover ExoMars, initialement planifié pour mai 2018, est actuellement prévu pour décoller en juillet 2020. Avec un atterrissage prévu en mars 2021. Il aura pour mission d’étudier l’atmosphère de la planète rouge, et en particulier de déterminer l’origine du méthane trouvé à l’état de traces. Le rover, construit par Airbus Defence and Space emportera également une foreuse, qui a validé ses tests d’aptitude cette semaine, et percera des trous jusqu’à 2m de profondeur, pour essayer de déceler des traces de vie.

Plus folle est l’idée, tenace, d’Elon Musk. Le créateur des voitures électriques Tesla et de la société spatiale Spaxe X a pour ambition de coloniser l’astre martien. Tout simplement. Le 6 février 2018, l’excentrique milliardaire a réussi un premier pari : faire décoller le plus gros lanceur actuellement en activité, son Falcon Heavy, qui a placé en orbite sa propre voiture. Musk se donne désormais quatre ans avant d’envoyer deux cargos sur Mars avec du matériel permettant la création d’une base, préambule à l’arrivée de premiers vols habités dès 2024. Pour se trouver, à la fin du siècle, avec une colonie martienne d’un million d’habitants.

Pour l’heure, ce projet, et surtout ce calendrier, reste très hypothétique. Mais après tout… Elon Musk n’avait-il pas annoncé qu’il ferait revenir sur Terre le premier étage de ses fusées pour pouvoir les réutiliser ? Un pari gagné. Au suivant.

Olivier Auradou

Mission InSight : au cœur de la planète Mars

InSight, la 12e mission américaine dédiée à l’étude de la planète Mars doit décoller le 5 mai 2018. À son bord, le sismomètre SEIS, piloté par le CNES à Toulouse, analysera le noyau de la planète. Le sous-titre choisi par l’agence spatiale française sonne comme un poème. InSight, la 12e mission américaine d’exploration de la planète Mars, part écouter battre son cœur.

Celui des ingénieurs toulousains du CNES associés à la mission, lui, bat intensément depuis de longs mois. En collaboration avec l’industriel Sodern, l’Institut de Physique du Globe de Paris et d’autres laboratoires français dont l’IRAP à Toulouse (1), ils ont conçu l’instrument principal SEIS, un sismomètre capable d’enregistrer une éventuelle activité sismique sur Mars ainsi que des impacts de météorites dans un rayon de 150 km autour du site d’atterrissage. Pour la première fois dans l’histoire de l’exploration spatiale, à 485 millions de kilomètres de la Terre, cet instrument sera déployé par un bras robotique installé sur l’atterrisseur.

Après avoir été repoussée une première fois en raison de problèmes techniques sur le sismomètre (fuite d’étanchéité sur la sphère contenant les trois sismomètres), la mission doit décoller demain -sauf mauvaises conditions météorologiques- de Vandenberg à bord du lanceur Atlas V. Il s’agit encore d’une première puisque la base militaire californienne n’a jamais été associée aux missions vers les autres planètes.

Après Curiosity et avant Mars2020, la France posera à nouveau sa marque sur le sol martien. Et pour les ingénieurs toulousains qui ont travaillé sur la conception et l’intégration de SEIS, la mission ne s’est pas arrêtée à la livraison de l’instrument. «Nous nous entraînons comme des pilotes pour tout ce qui va arriver après le décollage. L’instrument sera allumé trois fois au cours de son vol vers Mars, puis le lendemain de son atterrissage. Il faudra ensuite choisir où le positionner sur le sol martien et le rallumer définitivement. Des entraînements aux Etats-Unis et à Toulouse sont prévus pour le déploiement du bras robotique », explique Philippe Laudet, chef de projet SEIS au CNES (Centre national des études spatiales).

Quand les Américains du JPL (Jet Propulsion Laboratory) auront terminé la phase de vérification de l’instrument, autour du mois de février 2019, le Centre spatial de Toulouse activera le SISMOC (Seis on Mars Operation Center). Pendant au moins deux ans, ce centre d’opérations au sol «pilotera» le sismomètre et récupérera ses données comme le FIMOC, installé dans la salle voisine, le fait encore pour la caméra laser ChemCam du rover Curiosity.

Emmanuelle Rey

(1) CNRS, Université Toulouse III Paul-Sabatier

La sonde InSight fait route vers Mars pour étudier les séismes

L’agence spatiale américaine Nasa a lancé samedi matin avec succès la sonde InSight, sa première mission vers Mars depuis 2012, pour tenter de percer le mystère de la formation des planètes telluriques en observant l’activité sismique de la planète rouge.

“Trois, deux, un, décollage”, a indiqué un commentateur de la Nasa avant que la fusée ne quitte son pas de tir à 4H05 locales (11H05 GMT).

L’engin baptisé Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport (InSight) a pris rapidement de l’altitude dans le ciel nocturne et brumeux au-dessus de la base Vandenberg de l’US Air Force en Californie, propulsé par une fusée Atlas V.

Quelques minutes plus tard est apparu sur le compte Twitter d’InSight le message: “Mars, j’arrive! Six mois et quelques vers la planète rouge”. Et environ 385 millions de kilomètres.

“C’est un grand jour. Nous retournons sur Mars”, a lancé Jim Bridenstine, patron de la Nasa, après le décollage. “C’est important pour notre pays. C’est également important pour le monde et cela établit vraiment le leadership des Etats-Unis de nombreuses façons”.

Après environ 1h40 de vol, la sonde s’est séparée comme prévu de l’étage supérieur de la fusée: “Je suis toute seule maintenant”, a tweeté InSight. Le lancement devait intervenir à l’origine en 2016, mais des fuites sur un instrument avaient entraîné un report à 2018. Les fenêtres de tir favorables pour la planète rouge ne se présentent que tous les deux ans. Si tout continue de se dérouler comme prévu, la sonde devrait arriver à destination le 26 novembre, devenant ainsi le premier appareil de la Nasa à se poser sur Mars depuis le véhicule Curiosity en 2012.

Sa mission consistera surtout à détecter les séismes martiens qui, selon la description de la Nasa, sont “comme un flash qui illumine la structure interne de la planète”. InSight doit récolter des données par le biais de trois instruments : un sismomètre, un dispositif permettant de localiser avec précision la sonde, Mars oscillant sur son axe de rotation, et un capteur de flux de chaleur capable de s’insérer trois à cinq mètres dans le sous-sol martien, soit quinze fois plus profondément que lors de précédentes missions.

De boule à planète

Comme la Terre et Mars se sont probablement formées de manière similaire il y a 4,5 milliards d’années, la Nasa espère lever le voile sur les raisons pour lesquelles elles sont si différentes.

Mars, quatrième planète à partir du Soleil qui est plus petite et moins active géologiquement que la planète bleue, pourrait receler quelques indices en la matière. Car, sur Terre, le processus pour passer “d’une boule de roches sans reliefs caractéristiques à une planète” pouvant héberger la vie a été masqué par des milliards d’années de séismes et de mouvements de roches en fusion dans le manteau, a expliqué Bruce Banerdt, responsable scientifique d’InSight au laboratoire JPL de la Nasa à Pasadena (Californie).

Les scientifiques s’attendent à enregistrer jusqu’à une centaine de “tremblements de Mars” au cours de la mission qui doit durer environ deux ans terrestres. La plupart devraient être inférieurs à 6,0 sur l’échelle ouverte de Richter.

“Pour nous, InSight n’est sans doute pas la mission ultime, mais c’est une très, très importante mission parce que nous allons entendre les battements de coeur de Mars grâce au sismomètre”, a relevé Jean-Yves Le Gall, président du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) français, à la télévision de la Nasa après le décollage.

Le Seismic Experiment for Interior Structure (SEIS) a été conçu par le CNES, tandis que le détecteur de chaleur Heat Flow and Physical Properties Package (HP3) est issu d’une collaboration entre les agences spatiales allemande DLR et polonaise CBK.

Outre comprendre la formation et l’évolution des planètes telluriques, l’objectif est aussi de déterminer l’activité tectonique actuelle sur Mars et son taux d’impact par des météorites. Selon la Nasa, le coût total de la mission atteint 993 millions de dollars.

Par ailleurs, les deux satellites de la taille d’une valise baptisés Mars Cube One (MarCO) embarqués avec la sonde se sont déployés comme prévu. Ils doivent permettre d’évaluer les capacités de communication de petits équipements dans l’espace lointain.

Ils vont suivre leur propre course vers Mars dans le sillage d’InSight, dont ils pourraient transmettre des données sur son entrée dans l’atmosphère martienne et son atterrissage.

Philippe Laudet, chef de projet au CNES : «Notre sismomètre est aussi sensible que ceux utilisés sur Terre... mais il part sur Mars !»

Philippe Laudet est le chef de projet SEIS (du nom du sismomètre de la mission d’exploration InSight) au CNES, le centre national des études spatiales. Il commentera le 5 mai, en direct de la Cité de l’espace, le décollage de cette nouvelle sonde martienne.

Comment appréhendez-vous cette étape du décollage après les péripéties de la mission ?
C’est une étape angoissante, mais d’une autre façon. Nous avons livré un instrument qui fonctionne et qui nous a fait souffrir pendant de nombreuses années. On pourrait se dire que ça y est, que le plus dur est fait, mais nous confions notre bébé à des personnes que nous ne connaissons pas et même si on a encore raison de dire que les Américains sont les meilleurs pour ce type d’opérations, il peut toujours y avoir un accident, surtout dans un voyage vers Mars. Nous sommes comme dans un avion, nous avons peur mais nous faisons confiance au pilote.

Y a-t-il un peu de superstition avant le lancement ?
Je regarde les chiffres et je trouve qu’une année qui se termine en neuf c’est une bonne année : le premier sismomètre terrestre a fourni des données en 1889, le premier sismomètre a été posé sur la Lune en 1969 et, si tout va bien, nous ferons fonctionner le premier sismomètre sur Mars en 2019 !

Que représente cette mission InSight dans l’histoire de l’exploration du Système solaire ?
C’est la première qui analysera le cœur de la planète Mars. Les sondes américaines Vicking (1976) avaient un sismomètre mais l’un d’eux ne s’est jamais allumé et l’autre, resté sur la plateforme, n’a enregistré que les mouvements de l’atterrisseur. Pour connaître la structure interne d’une planète, il faut utiliser la sismologie. Ça a été fait abondamment sur Terre et sur la Lune grâce à deux missions Apollo. Mars reste un mystère, on ne sait toujours pas pourquoi son noyau a arrêté de tourner. La communauté scientifique attend avec impatience les données d’InSight pour progresser dans la compréhension des planètes du Système solaire.

Pourquoi attendre 2019 pour s’intéresser au cœur de Mars ?
Déposer un sismomètre à même le sol, sans astronaute, ce n’est pas simple. InSight utilisera un bras robotique depuis l’atterrisseur, pour poser le sismomètre et le couvrir, sans le toucher, d’un bouclier de protection contre le vent, les changements de températures et les poussières martiennes. Ce sera une première (le rover Curiosity, lui, conserve ses instruments à l’intérieur). Il a fallu concevoir un sismomètre capable de résister aux vibrations d’un décollage, au vide spatial et aux températures extrêmes pendant la phase de croisière et capable de supporter un atterrissage. Il va ensuite devoir tenir une dizaine de jours exposé aux variations extrêmes de températures martiennes, le temps nécessaire au déploiement du bouclier.

La contrainte technique a-t-elle été la plus importante sur ce projet ?
Le plus difficile a été la contrainte du planning. Quatre ans pour faire voler un instrument qui était à l’état de prototype, c’est peu ! Notre sismomètre est très sensible, il peut détecter tout déplacement de la taille d’un atome (de l’ordre du picomètre). Il est doté des mêmes performances que les sismomètres terriens qui, eux, sont installés dans des caves en béton… Ce que, bien sûr, nous ne pouvons pas faire pour l’installer dans la fusée.

Les deux années supplémentaires prises par la mission n’étaient finalement pas de trop ?
C’était un mal pour un bien. Nous avons réparé, changé le design et amélioré le sismomètre. Pendant ce temps, les Américains ont fabriqué un bras robotique plus solide, un meilleur parachute de descente et les Allemands ont amélioré leur instrument. Tout le monde est très content après avoir tiré la langue pour arriver à l’échéance. Pour d’autres raisons, les missions Curiosity et Rosetta avaient aussi été retardées, on ne s’en souvient pas, ce qui compte c’est leur succès.

Que vous a appris cette mission ?
Qu’il ne faut jamais abandonner et qu’on peut toujours trouver des solutions. Pourtant, il y a eu beaucoup de moments où nous n’avons pas cru y arriver !

Propos recueillis par Emmanuelle Rey

En route vers le soleil

L’Irap de Toulouse étudiera les images de la sonde Parker

L’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse (Irap) assure le suivi de la caméra grand angle de la sonde Parker Solar Probe, partie le 12 août en direction du soleil.

De Curiosity à la sonde Rosetta, les astrophysiciens toulousains sont souvent de toutes les grandes aventures de la conquête spatiale. Depuis le 12 août et le lancement par la Nasa en Floride (USA) de la sonde Parker Solar Probe, qui doit s’approcher au plus près du soleil, les scientifiques de la Ville rose sont de nouveau à l’œuvre. Cette fois, le satellite a embarqué quatre instruments de mesure conçus par plusieurs laboratoires français liés au CNRS, dont une caméra grand angle dont l’expertise scientifique est assurée par l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap) de Toulouse.

Cette caméra aura pour mission, explique le CNRS, de récolter «des images qui, en faisant le lien entre l’allure à grande échelle des lignes de champ magnétique et la composition locale du plasma, devraient aider à y voir plus clair sur les processus en jeu de notre étoile», une véritable énigme pour les astrophysiciens du monde entier. La caméra baptisée «Wisper» est un instrument bien connu d’Alexis Rouillard, chercheur à l’Irap qui a travaillé à son élaboration il y a une dizaine d’années déjà lors de son passage au Research Lab de Washington. La Nasa, qui avait lancé un appel d’offres en 2009 pour sa sonde Parker, a été séduite par cette caméra hyper-sophistiquée qui a mis sept ans à voir le jour.

«C’est en effet un travail colossal, assure Alexis Rouillard. C’est une caméra qui mesure 50 cm de long et qui a été placée, comme d’autres instruments, à l’arrière du bouclier thermique de Parker Solar pour se protéger du rayonnement solaire et de ses vents violents. Alexis Rouillard espère obtenir les premières données entre octobre et novembre prochain, au moment où la sonde américaine se trouvera à 35 rayons solaires du Soleil (par comparaison, la Terre se situe à 215 rayons solaires du Soleil). En 2024, elle doit se rapprocher au plus près de notre étoile, à 8,8 rayons solaires.

Pour les astrophysiciens, nul doute qu’il s’agit d’un «moment historique». Parker Solar Probe doit permettre de comprendre comment se forme le plasma solaire – cette mélasse de particules et de champs électromagnétiques qui compose la couronne – et d’autre part obtenir des informations sur l’origine du vent solaire. Ce dernier étant capable de générer des orages magnétiques comme celui du 13 mars 1989 au Québec qui avait provoqué l’arrêt des centrales électriques.

Gérald Camier

La stratégie militaire française

Pour la ministre des Armées «la guerre des étoiles n’est pas de la science-fiction». Après sa visite le 7 septembre 2018 au Centre national d’études spatiales (Cnes) de Toulouse, Florence Parly a révélé qu’un de nos satellites militaires avait été espionné par un satellite russe ! Un véritable pavé dans la mare qu’a jeté la ministre devant un parterre d’officiers généraux et de scientifiques de haut niveau du monde spatial. Jamais un responsable de ce niveau n’avait révélé autant de détails sur une opération d’espionnage.

La scène se passe il y a tout juste un an à 36 000 kilomètres de nos têtes. Le satellite franco-italien «Athena Fidus» qui permet d’acheminer les télécommunications militaires de façon sécurisée et cryptée tourne tranquillement autour de la Terre sur son orbite.

Un plan remis à Emmanuel Macron d’ici la fin de l’année

La suite, c’est la ministre qui la raconte devant une audience médusée : «Un satellite s’est approché de lui. De près. D’un peu trop près. De tellement près qu’on aurait pu croire qu’il tentait de capter nos communications. Tenter d’écouter ses voisins, ce n’est pas seulement inamical, cela s’appelle un acte d’espionnage». Puis, faisant fi de toute langue de bois, Florence Parly pointe un doigt accusateur vers… Moscou. «Ce satellite aux grandes oreilles s’appelle Louch-Olymp. C’est un satellite russe, bien connu mais un peu indiscret» ajoute-t-elle. D’ordinaire ce genre d’informations n’a pas vocation à être révélé sur la place publique mais la ministre a voulu créer comme un électrochoc dans les consciences. En clair : fini la naïveté avec laquelle pendant longtemps a été abordée la question spatiale. Alors que les États-Unis ont annoncé la création d’une sixième force armée dédiée à l’espace, la France veut aussi s’armer pour rester dans la course.

La ministre a été tranchante : «Depuis quelques temps, alors que nos voisins changeaient en partie la nature de l’espace, qu’avons-nous fait ? Pas grand-chose». Le message est clair : plus question que les satellites tricolores qui sont les yeux et les oreilles de nos forces armées fassent l’objet d’actes offensifs, de manœuvres hostiles voire d’espionnage. Pour se préparer à cette guerre des étoiles, la nouvelle loi de programmation militaire (2019-2025) va flécher la bagatelle de 3,6 milliards d’euros pour renouveler la totalité de la capacité satellitaire militaire française. Il s’agit notamment d’assurer la relève des satellites Helios 2A et 2B (en service depuis 2004 et 2009). Ils seront remplacés par une nouvelle génération de satellites dans le cadre du programme CSO dont un exemplaire sera tiré depuis Kourou en décembre prochain. Par ailleurs, en 2020, une mini constellation de trois satellites d’écoute électromagnétique sera lancée dans le cadre du programme CERES avec le soutien de deux grands industriels : Airbus Defense & Space et Thales. Ils permettront de détecter les centres de commandement et les flottes ennemies. D’ici 2022, les deux premiers satellites de télécommunication Syracuse 4 seront également opérationnels permettant à l’État-major de communiquer avec ses troupes sur les théâtres d’opérations. Un troisième exemplaire sera commandé en 2023. Mais ce déploiement de forces spatiales ne suffit visiblement pas à la ministre. Elle a confié à un groupe de travail du ministère des Armées une mission pour lui faire des propositions sur les forces militaires spatiales. Florence Parly s’en inspirera pour formuler ses propres recommandations au président de la République d’ici la fin de l’année. «Je n’ai pas hésité à armer les drones. Je n’hésiterai pas à proposer des décisions fortes» a-t-elle prévenu.

Des lasers qui aveuglent nos satellites

Parmi les craintes des militaires : les armes à effet dirigé contre nos satellites. Les États-Unis, la Chine ou la Russie utilisent déjà des lasers à haute énergie capables d’atteindre directement le miroir d’un satellite à des centaines de kilomètres. Ces ennemis cherchent à aveugler nos capacités spatiales, les dégrader voire les détruire. L’idée est donc de connaître avec précision les satellites espions des autres pays. L’armée s’appuie jusqu’à présent sur le système radar GRAVES développé par l’Onera. Depuis le plateau d’Albion, il surveille l’espace. Mais la ministre veut désormais que l’on observe l’espace depuis l’espace ! L’idée est d’équiper d’une charge utile secondaire certains de nos satellites. Des caméras de surveillance pourraient ainsi être rajoutées sur les satellites de télécommunications Syracuse pour observer au plus près les manœuvres des satellites hostiles.

Une autre piste pour s’offrir une bonne vision de l’espace serait de contractualiser avec des «partenaires de confiance». En clair : utiliser une partie des 7 000 nouveaux satellites qui seront lancés par des opérateurs privés d’ici 2028 pour embarquer des dispositifs militaires sur ces satellites civils. La ministre n’écarte pas, par exemple, d’utiliser la future constellation de nano satellites OneWeb lancée par Airbus Space à Toulouse. «C’est tout l’objet de nos réflexions d’ici la fin de l’année» a confié Florence Parly en marge de son discours au Cnes de Toulouse. Il faudra bien sûr que le partenaire offre toutes les garanties. La guerre des étoiles est bel et bien lancée.

Gil Bousquet

Un satellite espion toulousain lancé en décembre

En décembre prochain sera lancé un nouveau satellite espion depuis le centre spatial guyanais de Kourou. Il s’agit du programme CSO de reconnaissance optique à très haute résolution par satellite. Le programme a été engagé en 2010 par le Cnes par délégation de la Délégation générale à l’armement (DGA). Le but est d’assurer à partir de cette année, la relève des satellites Helios 2A et 2B en service depuis 2004 et 2009.

La construction de deux exemplaires a été confiée à Airbus Defense and Space (795 M€ de contrats) avec une option pour un troisième exemplaire. Les satellites sont intégrés sur le site de Toulouse. L’autre grand industriel du spatial, Thales Alenia Space fournit l’instrument optique, le cœur du système. La charge utile de ces satellites permet l’acquisition d’images à très haute résolution dans les domaines visible et infrarouge (de jour et de nuit) et dans une variété de modes de prise de vue. Lors de sa visite du 7 septembre, la ministre a confirmé que Toulouse resterait le cœur de la politique spatiale française.

Gil Bousquet

En révélant le 7 septembre lors de son déplacement à Toulouse qu’un satellite militaire français avait subi en 2017 une tentative d’espionnage par la Russie, la ministre des Armées a non seulement fait le buzz mais surtout mis le doigt sur une réalité des années à venir : la bataille de l’espace.

C’était il y a 35 ans. Le 8 mars 1983 à Orlando, le président américain Ronald Reagan lançait l’Initiative de défense stratégique (IDS), vaste projet de défense antimissiles contre de potentielles attaques russes. Un projet choc qui passait par la création d’un bouclier spatial. Rapidement baptisé «guerre des étoiles», le programme, né en pleine Guerre froide fit long feu. Après la chute de l’URSS en 1991, il a été considérablement réduit même si certains programmes de recherche ont été maintenus et se poursuivent toujours. L’expression, elle, a durablement marqué les esprits. Mais cette «guerre des étoiles» trouvait jusqu’alors davantage écho dans les films que dans la réalité.

Cette époque est désormais révolue et la réalité a rattrapé la fiction : la guerre des étoiles a déjà commencé et elle va bouleverser la géopolitique. Car avec la numérisation mondiale de nos sociétés, tous les secteurs des pays sont désormais vulnérables et potentiellement la cible de piratages, de détournement ou d’espionnage à des fins militaires ou économiques. C’est certainement à dessein, et pour bien faire comprendre les enjeux, que la ministre des Armées Florence Parly, en déplacement hier, le 7 septembre à Toulouse, a révélé que le satellite russe Luch-Olymp a espionné, en 2017, le satellite de télécoms militaire français Athena-Fidus, qui offre des services de télécommunications haut débit aux armées et aux services de la Sécurité civile français et italiens.

Stratégie française et européenne

Alors que la Loi de Programmation militaire 2019-25 prend en compte l’«arsenalisation» de l’espace (et prévoit un budget de 3,6 milliards d’euros pour le spatial), Emmanuel Macron a fait de l’espace un enjeu de sécurité nationale et a demandé à sa ministre un rapport d’ici novembre 2018 pour élaborer une «stratégie spatiale de défense» pour la France.

Une stratégie qui doit aussi passer par l’échelon européen pour faire face à la Russie, à la Chine et aux États-Unis qui accélèrent avec la création d’une Force spatiale.

La décision américaine lance «un signal extrêmement puissant : le signal des confrontations à venir, le signal du poids pris par le spatial, des défis de demain», a estimé hier Florence Parly. Des défis qui ne pourront être relevés qu’à l’échelle européenne. C’est pour cela que jeudi, le président Macron a annoncé qu’il proposerait «dans les prochains jours avec les collègues prêts à s’y ranger une stratégie spatiale européenne sur le civil et sur le militaire.»

Philippe Rioux

Le Toulouse Space Show veut s'emparer du marché du «new space»

La sixième édition du forum mondial Toulouse Space Show (TSS) rassemblera 3 000 participants du monde du spatial du 26 au 28 juin avec le marché du «new space» comme horizon.

D’ici 2028, 3 000 nouveaux satellites seront lancés dans l’espace. Et une bonne partie d’entre eux appartiennent à la famille dite des nanosatellites. Plus petits, d’un poids inférieur à cinquante kilos voire moins, les «cubesats» ouvrent de nouveaux horizons pour l’industrie spatiale et les applications associées. En réduisant la taille des satellites, les constructeurs réduisent d’autant la facture du lancement de ses satellites permettant l’émergence de nouveaux modèles économiques. C’est par exemple le pari d’Airbus Space qui a inauguré à Toulouse voilà bientôt un an une nouvelle ligne d’assemblage de nanosatellites qui alimenteront la constellation OneWeb : 640 satellites de la taille d’un lave-linge arroseront la surface de la terre d’un signal internet. Tout être humain pourrait alors être connecté où qu’il se trouve sur Terre.

Ce sont ces nouveaux marchés que le Toulouse Space Show mettra à l’honneur du 26 au 28 juin au centre des congrès Pierre Baudis à Toulouse. Les deux premiers jours seront consacrés respectivement aux nouveaux modèles économiques de l’espace et aux technologies de rupture. «Nos industriels doivent inventer l’espace de demain et le Toulouse Space Show est là pour les y aider en favorisant échanges et rencontre business dans une ville qui rassemble un quart des effectifs européens du spatial» a expliqué hier Alain Rabary, vice président de la CCI de Toulouse lors de la présentation de l’événement au Cnes. «Cet événement toulousain s’est clairement ancré dans le paysage spatial. De quelques centaines de participants en 2008, nous en accueillerons plus de 3 000 cette année venus de 46 pays» s’est félicité Lionel Suchet, directeur général délégué du Cnes.

Un village des start-up

L’orientation business du forum a été encore accrue cette année avec notamment le doublement du nombre de start-up du spatial hébergées au sein d’un village au cœur du salon. Elles seront soixante contre trente pour la précédente édition. Parmi elles, la Britannique Open Cosmos qui a pour vocation de déployer des constellations de satellites low cost. Des négociations ont été engagées avec Toulouse Métropole pour baser à Toulouse un bureau de R&D voire une usine intelligente de nanosatellites.

La PME toulousaine Mecano ID (75 salariés, 8 M€ de chiffre d’affaires) se servira du Toulouse Space Show pour poursuivre sa prospection internationale après avoir participé au salon «Satellite» en mars à Washington et avant le rendez-vous des nanosatellites dans l’Utah en août prochain. «Le TSS nous permet d’entretenir des liens avec nos partenaires et de rester visible» assure Stéphane Galinier, le directeur commercial. Durant les trois jours, plus de 2000 rendez-vous d’affaires sont ainsi programmés entre 280 entreprises, donneurs d’ordre, fournisseurs, prospects, financeurs… Le nouveau fonds d’amorçage du Cnes doté de 80 à 100 M€ sera présent. Il doit financer des entreprises du spatial en «early stage» c’est-à-dire au démarrage.

Gil Bousquet

Toulouse à la conquête de l’espace
  1. Toulouse, capitale du spatial
  2. De l’eau dans l’espace
  3. Découvertes sur Mars
  4. Vers une colonisation de Mars ?
  5. Mission InSight : au cœur de la planète Mars
  6. En route vers le soleil
  7. La stratégie militaire française
  8. Le Toulouse Space Show veut s'emparer du marché du «new space»